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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


elle évite ou franchit les obstacles qui hérissaient la voie suivie par le Stagirite.

Selon la doctrine de Damascius, l’Univers est en un lieu tout aussi bien que ses diverses parties.

S’il existe pour chacune des parties de l’Univers une position meilleure que toute autre, il existe aussi, pour l’Univers entier, une disposition qui surpasse toutes les autres en perfection : et cette bonne disposition de l’Univers est précisément celle qui résulte de la bonne position de chacune de ses parties, en sorte que l’Univers a sa disposition, naturelle lorsque chacun des corps qui le composent se trouve en sa position naturelle ou essentielle (θέσις οἰϰεία, θέσις οὐσιώδης).

Les mesures géométriques qui déterminent la position naturelle de chacune des parties, déterminent, par là-même, la disposition naturelle de l’ensemble ; le lieu naturel des divers corps qui composent l’Univers est, par le fait, le lieu naturel de l’Univers.

Un corps n’est pas toujours en sa position naturelle ; il peut être en une position adventice ou étrangère (θέσις ἀλλοτρία) ; tandis que la première est immuable, la seconde peut changer d’un instant à l’autre ; en même temps que la position change, le lieu, qui en est la mesure, change également, en sorte que le corps se meut de mouvement local.

Mais ce qu’on vient de dire d’un corps, on peut le répéter de l’ensemble des corps, c’est-à-dire de l’Univers. Si la disposition naturelle de l’Univers est unique, les dispositions adventices qu’il peut prendre sont innombrables ; la disposition de l’Univers, en ce moment, est différente de celle qu’il présentera dans une heure ; l’Univers entier est donc capable de mouvement local comme le sont ses diverses parties, et le mouvement local du Monde n’est que l’ensemble des mouvements locaux des corps qui le composent.

Selon les théories qui diffèrent de la doctrine de Damascius et de Simplicius, le lieu est séparable du corps qui y est logé ; lorsqu’un ensemble de corps se meut, un même lieu reçoit successivement des corps différents. La même proposition ne peut plus être formulée, du moins sans précautions, par ceux qui admettent l’opinion de Damascius et de son disciple. La position d’un corps n’est pas séparable de ce corps. Lorsqu’un corps se meut, il prend, en un second instant, une position différente de celle qu’il occupait au premier instant ; mais il serait inexact de dire que sa première position subsiste au second instant, et qu’elle est, alors, devenue la position d’un autre corps : la position n’est pas une chose qu’un