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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

en orient. Pourquoi, au delà de la sphère sans astre du mouvement diurne, n’imaginerait-on pas un autre orbe, sans astre et immobile, qui serait le lieu fixe de tous les autres corps ?

Ces considérations, Simplicius les conclut en ces termes : « Puis donc, comme je l’ai dit en commençant, Proclus avait recueilli des anciens maint témoignage de l’existence, par delà le Monde, de ce corps plus divin que les autres, c’est avec raison qu’il a pris ce corps pour lieu de tout ce Monde universel. »

Cette phrase de Simplicius nous présente Proclus comme le premier philosophe qui ait songé à prendre pour lieu du Monde, pour terme fixe auquel tous les mouvements doivent être rapportés, une sphère immobile située par delà tous les cieux. Après que les théologiens catholiques auront enseigné qu’au-dessus des orbes mobiles, il existe un Empyrée immobile, Campanus de Novare, reprenant la pensée de Proclus, proposera de regarder cet Empyrée comme le lieu fixe de tous les corps de l’Univers. Suivant une idée toute semblable, Copernic, lorsqu’il aura fixé aux confins du Monde l’orbe des étoiles fixes, prendra cet orbe pour lieu invariable auquel tous les corps mobiles doivent être rapportés. Il importait de signaler, à l’heure même où nous la voyons naître, une hypothèse qu’attendait une si durable fortune.


XIV
LE LIEU SELON DAMASCIUS ET SIMPLICIUS

Venons à la théorie du lieu que le philosophe Damascius, élève et successeur de Proclus le Diadoque, développa durant la première moitié du vie siècle de notre ère. Simplicius, qui a été disciple de Damascius, nous donne[1] une exposition très complète de cette théorie ; nous trouvons même, dans les commentaires de l’élève, des citations textuelles du traité Περὶ ἀριθμοῦ ϰαὶ τόπου ϰαὶ χρόνου[2] composé par le maître.

Le point de départ de la théorie de Damascius est celui-ci : Tout corps possède un attribut, inséparable de lui, qui est sa position, θέσις. Le maître de Simplicius ne paraît pas avoir défini

  1. Simplicii Op. laud., lib. IV, corollarium de loco ; éd. cit, pp. 624-645.
  2. C’est le titre indiqué par Simplicius, Op. laud., lib. {{rom-maj|IV|4}, corollariurn tempore ; éd. cit., ]). 774.