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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


pour que deux corps puissent se compénétrer, les Stoïciens veulent, eux aussi, que l’un au moins d’entre eux soit un πνεῦμα dépourvu de ὕλη ; deux corps pourvus de ὕλη sont, pour les Stoïciens comme pour Syrianus, impénétrables l’un à l’autre. Ce qui est vrai, c’est que Syrianus regarde comme matériels les souffles que les Stoïciens déclarent immatériels ; les corps qu’il nomme purs et immatériels, qu’il considère comme entièrement perméables aux autres corps, sont, pour lui, des corps beaucoup plus subtils, beaucoup moins palpables et résistants que n’est l’air ; la lumière lui paraît propre à nous donner une idée de ces corps ; mais, cette lumière, Chrysippe l’avait déjà prise comme exemple de la façon dont les souffles se comportent à l’égard des autres corps.

Si donc Syrianus conçoit comment l’étendue, différenciée et découpée en domaines propres, se laisse pénétrer par les corps naturels et sensibles, c’est qu’il assimile ce διάστημα au πνεῦμα stoïcien, mais à un πνεῦμα subtilisé.

Admet-il que l’étendue exerce des forces sur les corps sensibles, qu’elle entraîne chacun d’eux vers le domaine qui lui est propre, comme le souffle des Stoïciens, par les pressions et les tensions qu’il produit, meut les corps au sein desquels il s’infuse ? Les passages que nous avons cités n’apportent, à cette question, aucune réponse positive ou négative. Mais Simplicius met formellement Syrianus au nombre de ceux qui accordent au lieu une puissance par laquelle il exerce son emprise sur les corps (δύναμις τῶν σωμάτων ὑπερτέρα) ; nous devons accepter son témoignage, qu’informaient des documents aujourd’hui perdus ; nous devons penser qu’à l’imitation de Jamblique, Syrianus accordait au lieu un certain pouvoir d’agir sur les corps.


XVI
LE LIEU SELON PROCLUS

Simplicius nous a rappelé que Syrianus avait été le maître de Proclus de Lycie. Vers 450, Proclus remplaça Syrianus à la tête de l’École d’Athènes, qu’il devait occuper jusqu’à sa mort (485) ; c’est alors qu’il reçut le surnom de Diadoque (ὁ διάδοχος, le successeur). Or, ce n’est pas en vain que Simplicius, à propos de la théorie du lieu, a rappelé cette paternité intellectuelle de Syrianus à l’égard de Proclus, car les opinions que celui-ci professe à