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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


faces de l’eau et de l’air. C’est pourquoi, dit-il, la terre ne peut être tirée.

» L’eau est tirée vers le haut dans les siphons, mais, surtout, dans le vase embrasé. Si nous prenons, en effet, un vase d’étroite embouchure et que nous en plongions l’orifice dans l’eau, l’eau ne s’introduit pas dans le vase. Mais si nous avons échauffé ce vase avec de l’eau chaude, soit en l’y plongeant, soit en versant cette eau sur le fond, et si, de même, nous en plongeons l’embouchure dans l’eau, l’eau est attirée par lui et le remplit. En effet, la surface de l’eau est devenue une avec la surface de l’air contenu dans le vase ; ces surfaces ont été unies par le feu, dont c’est la propriété de confondre et d’amalgamer les choses différentes. Mais par réchauffement, l’air contenu dans le vase est raréfié ; devenu moins dense, il occupe plus de place ; lorsqu’il vient au contact de l’eau, cet air s’unit à elle par leur commune surface ; en même temps, il est contracté par la fraîcheur de cette eau ; alors il hume cette eau et l’attire à lui ; le vase prend autant d’eau que l’air, préalablement dilaté par la chaleur, peut, en se condensant, éprouver de contraction ; aussi un vase plus échauffé hume-t-il une plus grande quantité d’eau. »

Tout en s’inspirant de l’enseignement d’Alexandre d’Aphrodisias, Simplicius a su éviter les erreurs de ce commentateur : il n’a conservé que ce que son prédécesseur avait emprunté de bon a Philon de Byzance. Mais pas plus qu’Alexandre, pas plus que Thémistius, il n’a gardé souvenir des passages où Philon donnait ses expériences comme propres à montrer qu’un espace vide ne saurait se produire ; pas plus qu’Alexandre ni que Thémistius, il n’a même prononcé le nom du vide.

Des commentateurs d’Aristote, ceux-là mêmes qui avaient lu Philon de Byzance ou Héron d’Alexandrie n’ont pas invoqué les expériences de ces auteurs pour confirmer ce que le Stagirite avait enseigné touchant l’impossibilité du vide ; philosophes, ils n’ont pas cru que cette impossibilité pût être démontrée à l’aide d’instruments ; ils n’ont pas voulu suivre la méthode que les disciples de Ctésibius avaient tenté d’introduire en Physique.

Si nous n’avons pas, parmi eux, trouvé d’expérimentateurs, nous n’en trouverions pas davantage parmi les Néo-platoniciens que nous allons entendre disserter du lieu. Ceux-ci encore sont de purs philosophes ; ils ne se fient qu’au raisonnement déductif.