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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE

» Prenons un œuf de cuivre ou d’argent on d’autre matière au gré du constructeur ; qu’il soit creux et de la capacité d’un demi kist, étanche de tous les côtés. Perçons-le en un point de sa surface et introduisons par ce trou un petit tuyau. Le creux de ce tuyau est large d’un demi-doigt ; sa longueur est d’une coudée. Il adhère à l’œuf d’une façon parfaite au moyen d’une soudure d’étain, de façon à demeurer fixe dans ce trou et à ne laisser aucune fuite d’air. Perçons ensuite l’œuf, en face du tuyau, de petits trous étroits, proches les uns des autres comme les trous d’une passoire. Que ce vase soit élégant et analogue et ceux où l’on met le nébid.

» Pour s’en servir, on prend une coupe dans la main gauche et l’on y verse de l’eau[1] pure ; puis on tient l’extrémité du tuyau qui entre dans l’œuf, et on le plonge dans l’eau de façon à submerger tout l’œuf. Celui-ci se remplit de cette eau qui entre par les petits trous minces ; l’air passe par le tuyau qui est en face. L’opérateur bouche fortement l’ouverture du tuyau avec son pouce ; il sort l’œuf de l’eau et l’élève en l’air, sans qu’aucune partie de cette eau ne s’écoule, jusqu’à ce que l’œuf soit amené au-dessus de la coupe. L’opérateur ôte alors le pouce de dessus le tuyau et, aussitôt, l’eau s’écoule ; et si, pendant ce temps, il bouche de nouveau, avec son pouce, l’orifice du tuyau, il se produit la même chose qu’auparavant pour les causes que nous avons dites plus haut. Quand l’œuf est placé dans l’eau, l’eau entre par les trous, comme nous l’avons dit, parce que l’air passe par le tuyau ; si l’air ne passait pas, l’œuf ne se remplirait pas. Une fois l’œuf rempli et le pouce placé sur l’ouverture du tuyau, l’eau tient, sans couler hors de l’œuf, parce qu’il ne peut pas y avoir un lieu vide d’air et que l’air n’a pas le moyen d’entrer dans le tuyau, à cause du pouce qui en bouche l’orifice ; les trous qui sont dans l’œuf sont fermés par l’eau, et l’air ne peut pas soulever l’eau ni entrer au-dedans d’elle, parce qu’il est plus léger qu’elle, ni l’eau couler parce que ses parties qui occupent les petits trous sont très déliées et n’ont pas beaucoup de poids pour les forcer à tomber ; et chaque trou est retenu et emprisonné par le corps de l’œuf. »

Cette dernière expérience est reproduite par Héron d’Alexandrie[2], qui traite également du siphon. Mais Héron ne parle pas des deux premières expériences décrites par Philon de Byzance.

Les expériences que Philon expliquait par la nécessité d’éviter

  1. Le texte dit : du nébid pur.
  2. Heronis Alexandrini Spiritualium liber ; trad. Commandin, VI, fol. 16 ; éd. W. Schmidt, pp. 56-61.