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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


inférieure, afin que l’eau s’écoule. Ce siphon doit être aussi très étanche. L’œuf est placé dans un lieu exposé au soleil. Sous l’autre extrémité du siphon, on place une coupe… Je dis que lorsque l’œuf est échauffé à l’extérieur, une partie de l’air qui se trouve dans le siphon fuit : et ce fait est visible aux yeux, parce que l’air, provenant du siphon, qui arrive dans l’eau, l’agite en y produisant beaucoup de globules successifs. Si ensuite vous disposez au-dessus de cet œuf un ombrage et qu’il y séjourne quelque temps, vous voyez l’eau monter de la coupe et parvenir à l’œuf. Lorsque vous enlevez l’ombrage et que l’appareil se retrouve au soleil, l’eau qui était dedans est, de nouveau, renvoyée vers la coupe. L’œuf étant remis à l’ombre, l’eau y revient, et ainsi de suite indéfiniment.

» Si vous allumez un feu et que vous l’approchiez de cet œuf de façon à l’échauffer, il se produit la même chose ; et quand l’œuf se refroidit, l’eau y revient, comme elle était. Si l’on prend de l’eau chaude et qu’on la verse sur l’œuf, il arrive encore ce que nous avons décrit…

» Cette opinion est un des fondements de ce qu’on appelle la Pneumatique, parce qu’elle repose sur des appareils de ce genre. S’il en est ainsi, c’est seulement parce qu’il ne peut exister un lieu vide d’air, mais que, aussitôt que l’air s’en va, d’autres corps composés avec l’air prennent sa place ; et ceux-ci sont seulement poussés d’une façon naturelle. C’est l’opinion adoptée par plusieurs physiciens ; c’est aussi la nôtre.

» L’on prouve qu’il ne peut exister de lieu vide d’air ou de tout autre corps. Versez de l’eau dans un vase ; au milieu de ce vase, dressez quelque chose de semblable à un chandelier et placez-y un flambeau ; renversez sur ce flambeau une amphore dont l’orifice vienne près de l’eau ; que le flambeau se tienne au milieu de l’amphore ; laissez celle-ci un peu de temps ainsi ; vous verrez l’eau qui est dans le vase monter vers l’amphore. Cela ne peut arriver que pour la cause que nous avons dite, à savoir que l’air emprisonné dans l’amphore s’évanouit, s’use et s’en va, à cause de la présence de la flamme, et qu’il ne peut pas subsister avec elle ; et quand l’air a été dissous par le mouvement du feu, l’eau monte dans la proportion de l’air qui s’est en allé. »

Philon décrit maintenant l’expérience du siphon ; puis il poursuit en ces termes[1] :

« Construisons encore un autre vase pneumatique ; c’est un des appareils fondamentaux de cette science.

  1. Philon de Byzance, Op. laud., éd. cit., pp. 130-131.