Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
323
LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


ϰενόν) ; mais il regarde comme certaine l’existence de pores vides imperceptibles entre les particules qui forment les corps.

Cette doctrine est également celle qu’adopte Héron d’Alexandrie. Ses Pneumatiques débutent par un long préambule[1] où il ne fait que reprendre et délayer, au sujet du vide, l’enseignement de Philon ; cet enseignement, il en résume en ces termes l’idée essentielle[2] :

« À ceux qui affirment la non-existence universelle du vide, il est facile de trouver, à cet effet, de nombreux arguments et de paraître aisément les plus persuasifs par le raisonnement, alors qu’aucune démonstration expérimentale n’est jointe [à ce raisonnement]. Ce qui, toutefois, est indiqué par les effets qui nous apparaissent et qui tombent sous les sens, c’est que le vide rassemblé (ϰενὸν ἄθρουν) ne peut être produit que contre nature, et qu’il y a aussi un vide conforme à la nature, mais ce vide est disséminé en intervalles déliés (ϰενὸν ϰατὰ λεπτὰ παρεσπαρμένον) ; c’est que, par la compression, les corps viennent remplir ces petits espaces vides ; mais ceux qui nous proposent les persuasions des raisonnements ne possèdent absolument aucun moyen de pénétrer jusqu’à ces vérités. »


XIV
L’IMPOSSIBILITÉ DU VIDE ET L’EXPÉRIENCE. LES MÉCANICIENS. ARISTOTE ET SES COMMENTATEURS HELLÈNES

Nous venons d’entendre Héron d’Alexandrie parler avec dédain de ceux qui prétendent élucider une question de Physique, à l’aide du seul raisonnement et sans recourir à l’expérience. Héron, en effet, et son maître Philon de Byzance étaient des expérimentateurs ; c’est à l’aide d’appareils ingénieusement combinés et non

  1. Heronis Alexandrini Spiritualium liber. A Federico Commandino Vrbinale ex Græco, nuper in Latinum versus. Cum privilegfio Gregorii XIII. Pont. Max. Urbini MDLXXV. De vacuo ; fol. 2, verso, à fol. 9, verso — Heronis Alexandrini Opera quæ supersunt omnia. Volumen I. Griechisch und Deutsch herausgegeben von Wilhelm Schmidt. Leipzig. 1899. Ἥρωνος Ἀλεξανδρέως Πνευματιϰῶν τὸ ′Α · περὶ ϰενοῦ ; pp. 4-28. — Les auteurs les mieux informés placent, aujourd’hui, la vie de Héron d’Alexandrie, vers la première moitié du premier siècle de notre ère. Quelques-uns, cependant, la font descendre jusqu’au second siècle. On trouvera la discussion complète des données sur lesquelles reposent ces diverses opinions dans l’introduction mise par M. W. Schmidt en tête du volume que nous venons de citer (Einleitung. Kap. I : Wann lebte Heron von Alexandria ? pp. IX-XXV).
  2. Heronis Alexandrini, loc. cit. ; éd. Conmandin, fol. 5, verso ; éd. W. Schmidt, p. 16.