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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


l’air, à cause des corpuscules légers dont celui-ci est constitué, qu’il se mélange de même aux particules des liquides et d’autres corps. Nous avons expliqué ce qui a rapport à cette question dans le discours que nous avons composé sur les instruments extraordinaires ».

Tous les corps sont donc poreux et leurs pores sont vides, en totalité ou en partie.

Les liquides ont été formés au moyen de l’air ; de là, entre eux et l’air, une communauté de nature par laquelle l’eau et les autres liquides demeurent toujours contigus à l’air, le suivent dans tous ses déplacements, sans permettre qu’entre eux et l’air, il se forme jamais un espace vide :

« Quant à la substance de l’élément liquide[1] ces savants pensent qu’il est composé avec l’air de par leur nature physique, étant joint à l’air, sans qu’il reste de vide entre eux deux. C’est pourquoi il arrive quelquefois que l’eau aille en haut, bien que la nature physique qui prédomine en elle la porte en bas ; tous les corps lourds tendent, d’ailleurs, vers le bas.

» Il est donc clair que si, parfois, l’eau se porte en haut, c’est qu’elle est tirée par l’air à cause de la continuité qui existe entre eux deux. C’est ce qui arrive, par exemple, dans la pipette avec laquelle on déguste le vin. Quand on a mis la bouche sur l’extrémité de la pipette et aspiré doucement, l’air qui était dedans est tiré et, avec lui le corps liquide qui se trouve en bas de la pipette, parce qu’il est adhérent à l’air, qu’il y soit adhérent à la façon de la glu ou par tout autre mode d’attache…

» Il résulte de tout ce que nous venons de dire que l’eau est composée avec l’air qui y est joint de façon continue ; c’est pourquoi l’un des deux suit l’autre…

» Cette opinion est un des fondements de ce qu’on appelle la Pneumatique, parce que cela repose sur des appareils de ce genre. Il en est ainsi seulement parce qu’il ne peut exister un lieu vide d’air, mais que, aussitôt que l’air s’en va, d’autres corps composés avec l’air prennent sa place ; et ceux-ci sont seulement poussés d’une façon naturelle. C’est là l’opinion adoptée par plusieurs physiciens, et c’est aussi la nôtre ».

Philon se montre partisan de la doctrine qui, au dire d’Aristote[2], était celle de Xuthus ; il ne croit pas à la possibilité d’un espace vide de dimensions notables, d’un vide séparé (χωριστόν

  1. Philon de Byzance, Op. laud., 3, p. 100 ; 4, p. 100 ; 6, p. 102, 7, p. 103.
  2. Aristote, Physique, lib. IV, ch. IX (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 297 ; éd. Bekker, vol. I, p. 216, col. b).