légers et le bas celui qu’occupent les graves ; en effet, tout corps
qui se trouve écarté de ces limites est maintenu d’une manière
violente, [à la place qu’il occupe], par l’ensemble des autres
corps… Il est tout à fait ridicule (γελοῖον πάνυ) de prétendre que
le lieu, en tant que lieu, possède une certaine puissance. Si chaque
corps se porte vers son lieu propre, ce n’est pas qu’il aspire à une
certaine surface ; c’est parce qu’il tend à la place qui lui a été assignée
par le Démiurge. Puis donc que la terre a pris la place la
plus basse, de telle manière qu’elle se trouve au-dessous de tous
les autres corps, que l’eau a pris la seconde place, que l’air et le
feu ont pris la troisième et la quatrième, il est raisonnable qu’il
arrive ceci : Si un corps est quelque peu dérangé de cette place ;
si, au lieu de flotter à la surface du milieu auquel il lui est naturel
de surnager, il est submergé dans ce milieu par la violence de
quelque agent, il tendra vers la place que le Démiurge lui a assignée,
et il se mouvra jusqu’à ce qu’il y parvienne. Les corps
légers se meuvent donc vers le haut, non point qu’ils tendent simplement
à être appliqués contre la surface de ce qui entoure [le
monde des éléments], mais parce qu’ils tendent à la place que le
Démiurge leur a assignée ; c’est alors, en effet, qu’ils sont en leur
meilleure disposition, qu’ils atteignent la perfection qui leur est
propre. Ce n’est donc pas le lieu qui a puissance de porter les
corps à leurs lieux propres ; ce sont les corps qui ont appétit
(ἔφεσις) de garder la place qui leur appartient. »
Qu’un corps ne soit pas poussé ou tiré vers son lieu naturel par une force extrinsèque, émanée d’une χώρα active ; qu’il y marche en vertu d’une forme qui lui est propre, qui est encore imparfaite et mélangée de puissance, et qui tend à être pleinement en acte, il n’y a rien là, comme l’a reconnu Philopon, qui ne s’accorde fort bien avec la théorie péripatéticienne du lieu naturel ; mieux encore, ce n’est que l’exposé même de cette théorie ; mais le Grammairien n’a point tort lorsqu’il observe qu’elle ne se rattache en rien à la définition du lieu qu’Aristote a donnée.
Ce que nous venons de dire ne représente pas, tant s’en faut, tout ce qui mérite d’être remarqué dans l’œuvre de Jean Philopon. Pour combattre ce qu’Aristote avait objecté à la possibilité du mouvement dans le vide, le Grammairien est conduit à nier tous les principes essentiels de La Dynamique péripatéticienne ; en leur place, il propose des idées dont plusieurs ont préparé la Dynamique moderne ; mais nous réservons l’exposé de ces idées au prochain chapitre, dont elles fourniront la plus grande part.