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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


Le texte grec fut édité, d’abord à Paris, en 1539, puis à Bâle, en 1561 ; à cette dernière édition, était jointe la traduction latine de Valla ; ces deux édifions étaient extrêmement fautives. Au commencement du xviie siècle, l’Écossais Robert Balfour, professeur au Collège de Guienne, à Bordeaux, entreprit, à l’aide d’un manuscrit conservé à Toulouse, une publication plus correcte de l’œuvre de Cléomède ; il y joignit une traduction latine et des commentaires[1]. Au cours du xixe siècle, il a été donné plusieurs éditions de cet ouvrage ; la dernière[2], datée de 1891, est due à M. Ziegler qui y a joint une traduction latine très soignée.

L’ouvrage de Cléomède prend fin sur cette remarque[3] : « Ces discussions ne renferment pas d’opinions propres à l’auteur ; elles ont été tirées de commentaires composés par certains écrivains, les uns anciens, les autres modernes. Mais la plupart des propos qui ont été tenus sont empruntés à Posidonius », Posidonius est, en effet, fréquemment cité par Cléomède ; là-même où il n’est point nommé, c’est son enseignement que résument, le plus souvent, les deux livres sur la Théorie des mouvements circulaires des corps célestes ; et c’est ce qui les rend précieux, car ils nous ont gardé quelque chose de la doctrine, presque entièrement perdue, du savant Stoïcien.

En particulier, touchant la question du lieu et du vide, il semble certain que nous entendrons parler Posidonius par la bouche de Cléomède. Nous apprendrons ainsi que[4] « le Monde n’est pas infini ; il est limité… Mais hors du Monde, il y a le vide qui s’étend à l’infini en tout sens. De ce vide (ϰενόν) illimité, ce qui est occupé par un corps se nomme lieu (τόπος), tandis que ce qui n’est pas occupé par un corps est appelé vide (ϰενόν) ».

Pour Cléomède, le vide n’est pas simplement rien-du-tout (μηδέν), ainsi que l’enseignaient Leucippe et Démocrite ; il le regarde comme une certaine substance (ὑπόστασις) ; voici, en effet, en quels termes il poursuit son exposition :

« Que le vide soit, c’est ce que nous rappellerons en peu de

  1. Cleomedis Meteora grœce et latine a Roberto Balforeo ex Ms. Codice Bibliothecœ illustrissimi Cardinalis Ioyosii multis mendis repurgata, Latine versa, et perpetuo commentario illustrata. Ad Clariss. et ornatiss. virum Guilielmum Dafisium equitem, principem Prœsidem Senatus Burdig. et sacri consistorij Consiliarium. Burdigalæ, Apud Simonem Milanugium Typographum Regium. 1605. La seconde partie est intitulée : Roberti Balforei Commentarius in libros duos Cleomedis de contemplatione orbiuim cœlestium. Burdigalæ Apud S, Millangium Typographum Régium. MDCV.
  2. Cleomedis De motu orbium caelestium libri duo, Instruxit Hermannus Ziegler, Lipsiæ, MCCCXCL
  3. Cleomedis Op. land., éd. Ziegler, pp. 228-229.
  4. Cleomedis Op.laud., lib. I ? cap. I ; éd. cit., pp. 2-5.