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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


un tel vide infini. Le lieu, au contraire, est borné, car aucun corps n’est infini. De même que ce qui est corporel est borné, ce qui est incorporel est infini, en sorte que le temps est infini et aussi le vide. Comme le néant (τὸ μηδέν) n’est pas une borne, le néant n’a pas non plus de borne ; et tel est le vide. Par sa propre substance (ὑπόστασις), il est infini ; que ce vide vienne à être rempli, et il sera borné ; mais une fois ôté ce qui le remplissait, on ne lui pourra plus concevoir de limite. »

Jean Stobée nous rapporte encore[1] ce que Chrysippe disait du mouvement local, le seul, bien entendu, que conçût la Physique stoïcienne : « Chrysippe dit que le mouvement (ϰίνησις) est le changement de lieu, soit en totalité, soit en partie. Il dit ailleurs : Le mouvement est le changement de lieu ou de figure ; le transport (φορά) est un mouvement rapide et qui vient de loin ; le repos signifie l’absence de mouvement du corps ou bien il signifie que le corps se comporte maintenant de la même manière qu’auparavant, et à l’égard des mêmes choses (μονήν… τὸ δὲ οἶον σώματος σχέσιν ϰατὰ ταυτὰ ϰαὶ ὡσαύτως, νῦν τε ϰαὶ πρότερον) ».

Cette dernière proposition rappelle d’une façon reconnaissable la théorie du lieu qu’Aristote avait développée ; mais, comme les divers fragments conservés par Stobée, elle est trop courte, trop isolée de tout contexte pour nous permettre de reconstituer la doctrine de Chrysippe. Pour connaître le sens véritable des diverses définitions que nous venons de rapporter il nous faut chercher de quelle manière elles étaient entendues et développées par les Stoïciens venus en des temps moins anciens ; comment Posidonius les commentait, c’est ce que Cléomède va nous apprendre.


XI
LE LIEU ET LE VIDE SELON CLÉOMÈDE

Le stoïcien Cléomède, qui vivait vraisemblablement au premier siècle avant notre ère, a laissé un petit écrit, divisé en deux livres, dont le titre est : Περὶ ϰυϰλιϰῆς θεωρίας μετεώρων. Ce titre se peut traduire ainsi : Théorie du mouvement circulaire des corps célestes. À la fin du xive siècle, l’humaniste Georges Valla de Plaisance avait donné, de cet ouvrage, une très médiocre traduction latine.

  1. Joannis Stobæi Op. laud., lib. I, cap. XVIII ; éd. cit., t. I, p. 111 ; J. von Arnim, Op. laud., no 492 ; vol. II, p. 160.