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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

» Enfin, Chrysippe dit que la lumière se mêle de cette façon, à l’air.

» Telle est, au sujet de la mixtion, l’opinion de Chrysippe et de ceux qui philosophent d’après lui. »

La théorie stoïcienne de la mixtion, telle que nous venons de l’exposer, est l’introduction naturelle aux théories néoplatoniciennes du lieu ; nous verrons, en effet, que, pour la plupart des Néo-platoniciens, le lieu est un véritable corps ; comme le πνεῦμα stoïcien, il est susceptible d’être coétendu aux autres corps ; son immobilité seule le distingue de ce πνεῦμα.


X
LE LIEU ET LE VIDE SELON LES PREMIERS STOÏCIENS

L’École de Démocrite et d’Épicure admettait l’existence du vide dans le Monde. Les philosophes dont le système va solliciter notre attention ne croient pas que le vide puisse jamais être, dans les limites du Monde, doué d’existence actuelle ; toujours, dans l’Univers, le lieu est occupé par quelque corps ; c’est seulement au delà des bornes du Monde que s’étend un vide infini.

Le lieu et le vide, d’ailleurs, sont, au fond, une même chose ; cette chose, on la nomme vide lorsqu’aucun corps ne l’occupe, et lieu lorsqu’elle est occupée par quelque corps.

Ce système, nous dit Simplicius[1], est celui qu’adoptent bon nombre de « petits » Platoniciens ; parmi ceux qui le prônent, il croit que l’on peut aussi compter Straton de Lampsaque[2].

Entre Straton et les Néo-platoniciens, il nous faut placer les Stoïciens ; la doctrine en question fut, en effet, professée par l’École du Portique, et cela dès l’origine ; Jean Stobée va nous apprendre quel fut, à cet égard, l’enseignement de Zénon de Citium et de Chrysippe.

« Zénon, dit-il[3], et ceux qui procèdent de lui affirment qu’à l’intérieur du Monde, il n’y a aucun vide, mais qu’à l’extérieur, il y a un vide infini. Ils distinguent entre le vide, le lieu et l’étendue.

  1. Simplicii In Aristotelis physicorum libros quattuor priores commentaria. Edidit Hermannus Diels. Lib. IV, corollarium de loco, p. 601 et p. 618.
  2. Cf. G. Rodier, La Physique de Straton de Lampsaque, pp. 60-61 et pp. 78-79. — Selon G. Rodier, Straton ne croyait pas à l’existence du vide hors des bornes du Monde.
  3. Joannis Stobæi Eclogarum lib. I, cap. XVIII ; éd. Meineke, t. I, p. 104 ; J. von Arnim, Op. laud., no 95 ; vol. I, p. 26.