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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

admettent, en outre, eux aussi, beaucoup de choses que Chrysippe a enseignées au sujet de la diffusion.

» Voici donc quelle est l’opinion de Chrysippe touchant le mélange :

» Il suppose que la substance universelle est unie par un certain souffle qui pénètre au travers de cette substance tout entière ; c’est de ce souffle que le tout tient la continuité, la cohésion, et la sympathie.

» Au moyen des corps qui, en cette substance universelle, mêlent entre eux, il se forme, en premier lieu, des aggrégats (mélanges par juxtaposition, παραθέσει μίξεις) ; dans ces mélanges-là, deux ou plusieurs substances sont réunies en une même masse et juxtaposées, comme dit Chrysippe, suivant une structure (ϰαθ’ ἁρμήν) ; mais chacune d’elles conserve, dans un tel aggrégat, son contour délimité, son essence propre et ses qualités ; ainsi en est-il, par exemple, si l’on mêle ensemble des fèves et des grains de blé.

» Il se forme, en second lieu, des combinaisons (συγχύσει μίξεις) : les substances [composantes] s’y détruisent tout entières les unes les autres, ainsi que les qualités qui résidaient en elles ; ainsi en est-il, dit-on, des remèdes employés en médecine ; par la destruction simultanée des différents corps que l’on a mélangés, un certain corps, différent de ceux-là, prend naissance.

» Chrysippe dit enfin qu’il se produit certains mélanges où les substances [composantes] tout entières, ainsi que leurs qualités, se trouvent coétendues les unes aux autres, bien que chacune des substances et chacune de leurs propriétés demeurent, en un tel mélange, ce qu’elles étaient primitivement. Parmi les mélanges, c’est celui-là, dit Chrysippe, qui est proprement une mixtion (ϰρᾶσις) ; que deux ou plusieurs corps, en effet, soient coétendus les uns aux autres, chacun d’eux étant, en totalité, diffusé dans chacun des autres, pris également en sa totalité, et cela de telle manière que chacun de ces corps garde, au sein même du mélange, son existence substantielle propre et les qualités qui résident en cette substance, voilà le seul mélange qu’il nomme mixtion (Τὴν γὰρ δύο ἢ ϰαὶ πλειόνων τινῶν σωμάτων ὅλων δι’ ὅλων ἀτιπαρέϰτασιν ἀλλήλοις οὕτως ὡς σῴζειν ἕϰαστον αὐτῶν ἐν τῇ μίξει τῇ τοιαύτῃ τήν οἱϰείαν οὐσίαν ϰαὶ τὰς ἐν αὐτῇ ποιότητας λέγει ϰρᾶσιν εἶναι μόνην τῶν μίξεων). Car c’est le propre des composants d’un mixte (ϰεϰραμένα) de pouvoir être, derechef, séparés les uns des autres, et cela provient uniquement de ce que ces corps mélangés gardent leurs natures au sein du mélange.