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L’ASTRONOMIE PYTHAGORICIENNE


mot, et rien qui ait quelque probabilité n’a pu être conjecturé par les modernes.

Cicéron nous apprend, d’après Théophraste, que cet Hicétas, en donnant à la Terre un mouvement de rotation autour de son axe et en laissant tous les astres immobiles, expliquait tous les mouvements célestes. Cette manière de parler implique une impossibilité. L’erreur n’est assurément pas du fuit de Théophraste : celui-ci n’était pas homme à penser que la rotation terrestre pût expliquer autre chose que le mouvement diurne. Elle ne peut être que du fait de Cicéron, soit que celui-ci, rapportant sommairement le dire de Théophraste, ait négligé le contexte qui expliquait une phrase ambiguë, soit que la redondance coutumière à l’orateur l’ait conduit à forcer la pensée de l’auteur grec.

Nous pouvons, semble-t-il, regarder cette conclusion comme assurée : Le pythagoricien Hicétas de Syracuse expliquait le mouvement diurne des corps célestes par la rotation de la Terre autour de l’axe du Monde, mené par le propre centre de la Terre.

Au sujet des doctrines astronomiques d’Hicétas, nous possédons encore quelques renseignements qui nous sont fournis par Diogène de Laërte et par le faux Plutarque ; mais ces témoignages s’accordent malaisément avec celui de Théophraste, dont ils n’ont pas la valeur.

Diogène de Laërte rapproche l’opinion d’Hicétas de celle de Philolaüs : « Philolaüs, dit-il[1], fut le premier à prétendre que la Terre se meut en cercle ; d’autres assurent que ce fut Hicétas de Syracuse ».

Th. H. Martin s’est efforcé de prouver[2] que l’expression se mouvoir en cercle (ϰινεῖσθαι ϰατὰ ϰύϰλον) pouvait s’entendre aussi bien du mouvement de rotation d’un astre autour d’un axe passant par son centre que d’une révolution autour d’un axe extérieur à sa masse : en donnant à cette expression le premier de ces deux sens en ce qui concerne Hicétas et le second en ce qui concerne Philolaüs, on concilierait les dires de Diogène de Laërte avec ce que nous savons, de source autorisée, touchant les doctrines de ces deux astronomes. Mais Diogène n’y mettait sans doute pas tant de finesse ; pour rapprocher les noms de ces deux philosophes, il lui a suffi d’une vague analogie entre leurs doctrines.

  1. Diogène de Laërte, lib. VIII, cap. LXXXV (Vie de Philolaüs).
  2. Th.-H Martin, Mémoires sur l’histoire des hypothèses astronomiques chez les Grecs et les Romains. Première partie : Hypothèses astronomiques des Grecs avant l’époque Alexandrine, Chapitre V, § 2 (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXX, 2e partie, 1881).