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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


IX
LA PHYSIQUE STOÏCIENNE ET LA COMPÉNÉTRATION DES CORPS

En face de la doctrine soutenue, au sujet du lieu, par la Physique péripatéticienne, voici que se dressent des doctrines multiples reliées aux traditions d’Archytas de Tarente et de Platon plutôt qu’à celle d’Aristote.

Nous nous arrêterons, tout d’abord, aux thèses, fort originales, de l’École stoïcienne.

Le principe de toute la Physique stoïcienne[1], c’est l’identification de la substance, à laquelle Zénon et Chrysippe donnent le nom de cause (αἴτιον), avec le corps (σῶμα).

« Zénon dit[2] que la cause (αἴτιον), c’est ce par quoi (δι’ ὅ) ; ce qui n’est pas cause est accident (συμϐεβήϰος)… La cause, c’est ce par quoi quelque chose est produit ; la raison, par exemple, est ce par quoi la connaissance est produite, l’âme est ce par quoi la vie est produite, la tempérance ce par quoi on est tempéré…

» Toute cause est corps ; tout ce qui n’est point cause est un simple prédicament (ϰαὶ τὸ μὲν αἴτιον σῶμα, οὖ δὲ αἴτιον ϰατηγόρημα). »

Chrysippe tenait le même langage[3] : « Chrysippe dit que la cause, c’est ce par quoi. La cause est être, elle est corps, elle est un pourquoi ; ce qui n’est pas cause est par quelque chose. — Χρύσιππος αἴτιον εἶναι λέγει δι’ ὅ. Καὶ τὸ μὲν αἴτιον, ὂν ϰαὶ σῶμα ϰαὶ ὅτι · οὖ δὲ αἴτιον, διά τι ».

Les corps, qui sont les seules réalités, sont, d’ailleurs, de deux espèces. Il y a des corps spirituels, qui sont des esprits, des souffles (πνεύματα), nous dirions aujourd’hui des gaz. Il y a, d’autre part, des corps matériels, riches en matière, en ὕλη ; ce sont ceux que nous nommerions solides et liquides. Le rôle des premiers est, par la pression qu’ils exercent, de contenir les seconds. C’est ce que Galien explique clairement au passage suivant[4] :

  1. Au sujet de cette Physique, voir : Émile Bréhier, Chrysippe, Paris, 1911 ; livre II, ch. II.
  2. Arii Didymi Epitome physicæ fragmenta. Edidit H. Diels ; fr. 18, p. 457. Joannis Stobæi Eclogæ, lib. I, cap. XIII ; éd. Meineke, t. I, p. 90 — J. von Arnim, Stoicorum veterum fragmenta, no 89, vol. I, p. 25.
  3. Jean Stobée, loc. cit. ; éd. cit., p. 91.
  4. Galien, Περὶ πλήθους τὸ γ′. J. von Arnim, Op, laud., no 439, vol, II, p. 144.