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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

chaque segment d’un anneau confine au segment précédent et au segment suivant, qui en sont le lieu d’une certaine manière.

Pour Thémistius, comme pour Aristote, le ciel des étoiles fixes est en un lieu d’une certaine manière et par accident[1] : mais cette localisation spéciale, le disciple l’imagine autrement que le maître.

« L’Univers, dit Thémistius, est en un lieu, mais par accident. Le tout, en effet, est en ses parties ; il ne saurait être séparé de ses parties ; or, les parties de l’Univers ne sont pas toutes en un lieu, car elles ne sont pas toutes entourées de tout côté par d’autres corps. Le dernier orbe n’est pas, non plus, en un lieu ; il est seulement logé par rapport aux corps qu’il enveloppe. Cet orbe touche l’orbe de Saturne, en sorte que ce dernier le contient d’une certaine manière ; mais extérieurement, le huitième orbe manque de tout lieu. Les parties du dernier orbe sont logées de la même manière que l’orbe entier. Elles ne sont logées ni en acte ni en puissance ; comment le seraient-elles, puisqu’elles sont inséparables de la sphère totale ? Elles ne sont pas logées par elles-mêmes ; si elles sont logées, ce ne peut être que par accident, et encore ne le sont-elles pas simplement [et immédiatement]. Ce n’est pas simplement (ἁπλῶς), en effet, que la sphère ultime est en un lieu ; mais, prise en sa totalité, elle est en un lieu, et, tandis que ses parties sont en un lieu par accident, elle est, elle, en un lieu par les corps qui sont à l’intérieur (ἐπὶ τὰ ἔσω). Dès là que les parties sont logées de cette manière, comment le tout pourrait-il être en un lieu absolument et simplement ? »

La plupart des corps de l’Univers sont logés simpliciter, parce que chacun d’eux touche d’autres corps par toute la surface qui le limite ; chacun des orbes célestes, par exemple, confine à un autre orbe céleste par sa surface externe ; par sa surface interne il touche soit un orbe inférieur, soit l’élément igné ; seul, le dernier orbe fait exception ; il n’est pas logé simpliciter, car la sphère qui le limite extérieurement ne confine à aucun corps ; il n’est pas non plus absolument privé de lieu, comme le serait un corps entièrement isolé, car sa face interne touche l’orbe de Saturne ; il est logé per accidens.

Telle est la pensée de Thémistius au sujet de la localisation qui convient au huitième ciel ; bien différente de la pensée d’Aristote, elle aura plus d’influence que celle-ci sur les Péripatéticiens de l’Islam et de la Chrétienté.

  1. Themistii Op. laud., livre IV, ch. V : éd. cit., pp. 120-121.