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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Alexandre connaît[1] l’opinion d’Aristote, selon laquelle les parties du huitième orbe se trouvent en un lieu d’une certaine manière : « Lorsque les diverses parties d’une sphère sont entraînées dans un mouvement de rotation, chacune d’elles se trouve enfermée entre les autres ; chaque partie est logée entre celle qui la précède et celle qui la suit, en sorte qu’elle est contenue par elles ; ainsi cette sphère peut être animée d’un mouvement de rotation, mais non point d’un autre mouvement soit vers le haut, soit vers le bas ».

Le philosophe d’Aphrodisias ne semble pas avoir goûté cette opinion du Stagirite ; transportant au huitième ciel ce qu’Aristote avait dit de l’Univers prison son ensemble, il paraît avoir nié que ce Ciel fût en un lieu d’aucune manière, ni par lui-même ni par accident.

D’ailleurs, au sentiment d’Alexandre, que le huitième ciel ne soit en aucun lieu, cela n’empêche nullement qu’il soit animé d’un mouvement de rotation ; par ce mouvement, en effet, un corps sphérique ne change pas de lieu ; le mouvement de rotation n’est donc pas un mouvement local ; il peut convenir à un corps, lors même que ce corps n’est logé d’aucune façon.

Simplicius n’a point de peine à montrer qu’Alexandre se met, ici, en contradiction flagrante avec Aristote. En toutes circonstances, celui-ci traite le mouvement de rotation comme un mouvement local. Dans quelle autre classe de mouvement, d’ailleurs, le pourrait-il ranger ? En pourrait-il faire une dilatation ou une contraction, une altération, une génération ou une corruption ?

Il semble qu’Alexandre se soit autorisé, pour soutenir son opinion, de renseignement d’Eudème, qui lut disciple immédiat du Stagirite ; mais Simplicius lui oppose[2] le texte même d’Eudème ; ce texte avait été auparavant, rapporté par Thémistius[3], et celui-ci y avait joint ce renseignement que le passage cité appartenait au troisième livre des Physiques de l’auteur.

« Eudème, dit Simplicius, n’a nullement nommé l’Univers ; c’est de la totalité du ciel qu’il est question, je crois, lorsqu’il écrit ce qui suit, Il vient de dire que le lieu d’un corps, c’est le terme, contigu à ce corps, de l’objet qui l’enveloppe, pourvu que cet objet soit immobile, et il poursuit en ces termes : « Si cet objet est mobile, en effet, il est analogue à un vase : c’est pour-

  1. Simplicii Op. laud., livre IV, ch. V ; éd. cit., pp. 594-595.
  2. Simplicii, ibid., p. 595.
  3. Themistii In Aristotelis physica paraphrasis. Edidit Henricus Schenkl, Berolini, MCM. Livre IV, chap. V ; pp. 119-120.