Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


donc cette conjonction produit-elle la Grande Année ? C’est que tous les astres errants, lorsqu’ils approchent du point culminant [de l’écliptique], échauffent connue le fait le Soleil ; ils refroidissent, au contraire, lorsqu’ils sont éloignés de ce point ; il n’est donc pas invraisemblable qu’ils produisent le Grand Été lorsqu’ils viennent tous au point culminant, et le Grand Hiver lorsqu’ils en sont tous éloignés. Donc, pendant le Grand Hiver, la terre ferme se change en mer tandis que le contraire a lieu au cours du Grand Été. »

Olympiodore écrit encore[1] :

« La seconde espèce de changement est la transformation de l’eau salée en un corps de nature sèche et terrestre. C’est le changement qui se produit en la mer, lorsqu’elle revêt la puissance et la nature terrestre, et en la terre, lorsqu’elle se tourne en substance marine… Cela posé, Aristote nous montre quel est l’ordre de la Grande Année. Lorsqu’arrive le Grand Hiver, la terre passe à l’état de mer. Lorsqu’arrive le Grand Été, la mer est revêtue de la croûte terrestre. Lors de la venue de ce Grand Hiver, en effet, la puissance des eaux est fort grande et la quantité d’humidité à faire défaut… Aristote entend nous enseigner pourquoi, suivant l’ordre de cette Grande Année, la substance marine se transforme, durant le Grand Eté, en substance terrestre tandis que la transformation inverse se produit au cours du Grand Hiver. C’est, dit-il, parce que les diverses parties de la terre ont, comme les êtres animés, leur époque florissante et leur mort. Les parties terrestres sont florissantes lorsqu’elles se trouvent combinées avec l’humidité ; elles vieillissent et meurent, au contraire, lorsqu’elles se dessèchent. Elles s’humectent donc lorsque le froid est rigoureux, c’est-à-dire lorsque le Grand Hiver a commencé ; elles se dessèchent, au contraire, lorsque se produit la chaleur, c’est-à-dire à l’arrivée du Grand Été… S’il en est ainsi, c’est afin qu’il se rencontre un intermédiaire entre les choses éternelles et les choses tout à fait mortelles ; cet intermédiaire n’est point mortel en totalité, mais, à cause des alternatives de froid et de chaleur, il n’est pas tout à fait éternel. »

Fidèle disciple d’Aristote, Olympiodore ne veut pas[2] que de ces prédominances alternatives entre la terre ferme et les mers, produites par la Grande Année, on aille conclure à des destructions et

  1. Olympodiore, loc. cit., éd. Venetiis, MDLI, fol. 30, verso ; éd. Stüve, pp. 114-115.
  2. Olympodiore, loc. cit., éd. Venetiis, MDLI, fol. 310, verso ; éd. Stüve, pp. 118-119.