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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


ne sont pas distinctes, qu’elles constituent une seule et même Grande Année.

Cette Grande Année régit, Proclus vient de nous le dire, la vie périodique du genre humain ; c’est dire qu’elle a pour sous-multiple la période de la métempsychose, cette myriade d’années au bout de laquelle la même âme reprend possession du même corps. Comme Platon, comme Plutarque, Proclus croit à cette métempsychose. « La myriade, écrit-il[1],… marque le retour de l’âme qui a achevé son œuvre et qui revient au point de départ, comme le dit Socrate dans le Phèdre. »

Un des philosophes qui ont le plus vivement combattu certaines doctrines de Proclus est le stoïcien chrétien Jean Philopon qui, bientôt, nous occupera plus longuement.

Dans son écrit Sur la création du Monde, qui fut composé entre l’an 546 et l’an 549 de notre ère, Philopon rappelle la définition de la Grande Année. « On nomme Grande Année, dit-il[2], celle en laquelle s’accomplit le retour des sept astres errants d’un même point à un même point. »

C’était aussi, dit-on, un chrétien que cet Olympiodore, qui vivait à Alexandrie vers la fin vie siècle de notre ère et qui a commenté les Météores d’Aristote. Or voici ce que nous lisons dans ce commentaire[3] :

« Il s’agit maintenant de la transformation de la substance terrestre en la substance aqueuse et, particulièrement, en eau salée. Que la mer se dessèche, que la terre ferme, à son tour, se transforme en mer, cela provient de ce que l’on nomme le Grand Été (τὸ μέγα θέρος), et le Grand Hiver (ὁ μέγας χειμών). Le Grand Hiver a lieu lorsque tous les astres errants se réunissent en un signe hivernal du zodiaque, le Verse-eau ou les Poissons ; le Grand Été au contraire se produit lorsqu’ils se réunissent tous en un signe estival comme le Lion ou le Cancer. De même, le Soleil, pris isolément, produit l’Été lorsqu’il vient dans le Lion et l’hiver lorsqu’il vient dans le Cancer… Lorsqu’après une très longue durée, tous les astres errants se trouvent en une même place, pourquoi

  1. Proclus, Μέλισσᾳ εἰς τὸν ἐν Πολιτείᾳ λόγον τῶν Μονσῶν (Anecdota varia græca et latina, t. II, p. 35 ; Berlin, 1886).
  2. Joannis Philoponi De opificio mundi libri VII. Recensuit (Gualterus Reichardt. Lipsiæ, 1897, Lib IV, cap. XIV pp. 188-189.
  3. Olympiodori philosophi Alexandrini In meteora Aristotelis commentarii ; lib. I, actio XVII (Olympiodori philosophi Alexandrini In meteora Aristotelis commentarii. Joannis Grammatici Philiponi Scholia in I meteorum Aristoteles. Ioanne Baptista Camotio philosopho interprete, ad Philippum Ghisilerium, equitem Bononien, splendidissimum, et senatorem clariss. Aldus. Venetiis, MDLL Fol 29. verso. — Olympiodori In Aristotelis meteora commentaria. Edidit Guilelmus Stüve, Berolini, MCM, pp. 111-112).