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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


temps entier qui est propre au Monde mesure la vie une de l’Univers, vie selon laquelle arrivent ensemble à leur terme toutes les vitesses des cycles parcourus par les corps célestes et par les corps sublunaires (car, pour ceux-ci aussi, il y a évolutions périodiques et retours au point de départ).

» Ces vitesses ont pour repère (ϰεφαλή) le mouvement de l’identique[1] ; et comme c’est toujours à ce repère-là que les comparaisons sont faites, ce mouvement de l’identique est le plus simple de tous ; les retours des astres [à leurs positions primitives] sont estimés à l’aide des points marqués en ce mouvement[2] ; on considère, par exemple, le retour simultané de tous les astres en un même point, équinoxial ou bien au solstice d’été ; on peut aussi considérer non pas le retour simultané en un même point, mais le retour simultané à des positions qui soient les mêmes par rapport à un certain repère, tels que le levant ou le midi ; dans ce cas, tous les astres doivent redonner une même configuration par rapport à ce repère ; ainsi la disposition générale que tous les astres errants ont, à ce moment, est un certain retour non pas au même point, mais à un même état, rapporté au même repère, de la configuration considérée. Les astres errants se sont-ils réunis autrefois en un même point et en un certain point marqué [de la sphère des étoiles inerrantes] ? Au moment où cette coïncidence se produira de nouveau, le temps total atteindra son terme.

» On peut citer ici une coïncidence isolée, qui marque, dit-on, l’heure du Cancer du Monde, et dont le retour détermine ce que l’on appelle l’année caniculaire[3], parce qu’alors le lever du Cancer coïncide avec le lever de l’astre brillant du Chien, qui fait partie des étoiles inerrantes.

» Si donc tous les astres reviennent tous ensemble au même point du Cancer [après en être partis tous ensemble], cette révolution périodique en sera une de l’Univers. Mais si la conjonction qui s’est produite une fois dans le Cancer, se reproduisait de nouveau

  1. Le mouvement, de la sphère des étoiles inerrantes, selon la doctrine du Timée (v. Ch. II, § VII, pp. 52-53).
  2. C’est-à-dire à l’aide des points marqués sur la sphère des étoiles inerrantes.
  3. Voici ce que Censorin (De die natal, XVIII) dit de cette année : « Les Égyptiens n’ont aucun égard à la Lune dans la formation de leur grande année que l’on appelle en grec ϰυνιϰός et, en latin, caniculaire, parce qu’elle commence avec le lever de l’étoile du Chien le premier jour du mois que les Égyptiens appellent Toth. En effet, leur année civile n’a que trois cent soixante-cinq jours sans aucune intercalation. Aussi l’espace de quatre ans est-il, chez eux, plus court d’environ un jour que l’espace de quatre années naturelles ; ce qui fait que la coïncidence ne se rétablit qu’à la quatorze cent soixante et unième année. Cette année est aussi appelée par quelques-uns ἡλιαϰός et par d’autres ὁ Θεοῦ ἐνιαυτός ».