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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


état et, de nouveau, toutes choses seront exactement rétablies selon leurs anciennes conditions… Supposons, afin de rendre la chose plus claire en ce qui nous regarde, que ce soit par l’effet d’une disposition céleste que je vous écris, en ce moment, ces lignes, et que vous faites ce que vous vous trouvez faire à cette heure ; eh bien ! quand sera revenue la même cause, avec elle reviendront les mêmes effets, et nous reparaîtrons pour accomplir les mêmes actes. Ainsi en sera-t-il également pour tous les hommes. »

Némésius, qui cite le De fato d’où ces lignes sont extraites, nous apprend[1] à quel point les doctrines sur la transmigration des âmes, sur leurs retours périodiques au sein d’un même corps étaient généralement admises par les philosophes païens. « Tous les moralistes, dit-il, qui ont enseigné que l’âme était immortelle, admettent, d’un consentement unanime, la transmigration des âmes ; ils diffèrent seulement au sujet des formes de ces âmes… Les Platoniciens, surtout, sont en grand désaccord les uns avec les autres au sujet de ce dogme… Chronius, dans son livre Περὶ τὰς παλιγγενεσίας, nomme cette transmigration μετενσωμάτωσις ; il veut que tous les êtres soient doués de raison ; Théodore le Platonicien tient le même langage en son livre intitulé : Ὅτι πᾶσα ψυχὴ εἶσιν ; Porphyre est du même avis. »

Au sujet de la Grande Année platonicienne, la littérature grecque nous offre un texte d’une importance capitale ; c’est celui où Proclus commente ce qu’en disait le Timée[2]. Proclus y fond ce que Platon avait exposé dans ce dialogue avec les considérations sur le Nombre parfait que contenait la République ; ramenée ainsi à l’unité, la pensée platonicienne laisse mieux voir les liens qui l’unissent à l’enseignement d’Archytas de Tarente et des Écoles pythagoriciennes, tel que Simplicius nous l’a conservé. Ce texte est, d’ailleurs, le développement naturel de la théorie du temps que Proclus a formulée dans son Institution théologique[3].

« Après avoir décrit la génération des sphères par le Démiurge, la production des sept corps [errants], la manière dont ils ont été animés, l’ordre que le Père leur a attribué, leurs mouvements variés, la mesure de la durée de la révolution de chacun d’eux, et les diverses circonstances de leurs retours périodiques, le texte arrive enfin à l’étalon (μονάς) de la durée, à ce qui en est l’unité

  1. Nemesius, Περὶ ἄνθρωπου, cap. XII. — Gregorii Nysseni Philosophiæ libri octo, lib. II, cap. VII.
  2. Procli Diadochi In Platonis Timœum commentaria, Edidit Ernestus Diehl Lipsiæ, MCMVI. T. III, pp. 91-94.
  3. Vide supra, pp. 257-263.