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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


ment admise. « Au sujet de ces cycles, de ces départs et de ces retours qui, pour les âmes, alterneraient sans cesse, Porphyre le Platonicien n’a pas voulu suivre l’opinion de ceux dont il était le disciple. » Porphyre a admis que l’âme passait successivement par plusieurs corps, tous humains, sans jamais s’incarner dans une bête, et que ces réincarnations successives prenaient fin lorsque la purification de cette âme était complète. « En un point qui n’est pas de mince importance, dit Saint Augustin[1], Porphyre a corrigé l’opinion des autres Platoniciens, lorsqu’il a reconnu que l’âme, purifiée de tout ce qu’elle contenait de mauvais et unie au Père, n’aurait plus jamais à subir les malheurs de ce monde-ci. En professant cette doctrine, il a rejeté ce que l’on regarde comme un dogme essentiel du Platonisme, savoir que les vivants mourront éternellement et que, sans cesse, les morts reviendront à la vie… Assurément, l’opinion de Porphyre est préférable à celle des philosophes qui ont admis cette périodicité de la vie des âmes (animarum circulos), où le bonheur alterne indéfiniment avec la misère. S’il en est ainsi, voici un platonicien qui se sépare de Platon pour concevoir une meilleure pensée ; il a vu ce que Platon n’avait pas vu ; venu après un tel maître, il ne s’est pas refusé à le corriger ; à un homme, il a préféré la vérité. »

Si Porphyre s’est écarté, dans ce cas, de la tradition platonicienne il le faut sans doute, avec Saint Augustin, attribuer à l’influence du Christianisme[2].

D’ailleurs, tout en apportant quelques restrictions à la doctrine de la Métempsychose, Porphyre continuait de croire à la Grande Année. « Il existe, disait-il[3], une aimée qui embrasse toutes les autres ; c’est l’aimée qui se trouve totalisée dans le mouvement de l’Ame du Monde, car c’est à l’imitation de ce mouvement-là que tous les corps célestes se meuvent. »

Apulée, exposant l’enseignement de Platon, écrit[4] :

« C’est cette course ordonnée des étoiles qui nous permet de comprendre ce qu’on appelle la Grande Année ; la durée en est accomplie lorsque le cortège mouvant des étoiles est parvenu tout entier au terme de sa course et, se retrouvant dans sa position primitive, recommence une nouvelle route dans les voies du Monde. »

Dans la préface du Traité d’Astronomie attribué à Julius Firmicus

  1. D. Aurelii Augustini Op. laud., lib. X, cap. XXX.
  2. D. Aurelii Augustini Op. laud., lib. XII, cap. XX.
  3. Porphyrii philosophi Sententiœ ad intelligibilia ducentes, XLIV ; éd. Firmin Didot, Paris, 1855 ; p. XLVIIIVide supra, pp. 248-251.
  4. L. Apuleii Madaurensis De dogmate Platonis lib. I.