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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Sénèque, par exemple, croit[1] aux déluges d’eau et de feu par lesquels Dieu renouvelle périodiquement le Monde ; touchant l’intervalle de temps qui sépare deux cataclysmes successifs, il ne nous fait pas connaître son propre sentiment, mais il rapporte[2], sans l’approuver ni l’improuver, celui de Bérose.


VII
LA GRANDE ANNÉE CHEZ LES GRECS ET LES LATINS APRÈS ARISTOTE
B. — LES NÉO-PLATONICIENS.

Les Néo-platoniciens ne sont pas, moins que les Stoïciens, convaincus de la périodicité de la vie universelle. Nous le pouvons, tout d’abord, affirmer du chef de l’École, de Plotin.

Plotin connaît la doctrine péripatéticienne qui soumet tous les événements du monde sublunaire aux circulations célestes ; il sait quel parti les astrologues tirent de cette doctrine pour autoriser leurs prédictions. Lorsqu’il énumère les diverses formes du fatalisme, il écrit[3] :

« D’autres invoquent la circulation qui entoure l’Univers et qui, par son mouvement, fait toutes choses ; ils pensent que tout est engendré ici-bas par les dispositions mutuelles et les configurafions des astres errants et des étoiles fixes, car ils ajoutent foi aux prédictions que l’on en peut tirer — Ἄλλοι δὲ τὴν τοῦ παντὸς φορὰν περιέχουσαν ϰαὶ πάντα ποιοῦσαν τῇ ϰινήσει, ϰαὶ ταῖς τῶν ἄστρων πλανω μένων τε ϰαὶ ἀμλανῶν σχέσεσι ϰαὶ σχηματισμοῖσς πρὸς ἄλληλα, ἀπὸ τῆς ἐϰ τούτων προῤῥήσεως πιστούμενοι, ἕϰαστα ἐντεῦθεν γίγνεσθαι ἀξιοῦσι. »

Comment Plotin cherche à exempter l’âme humaine de cette inflexible domination, ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Ce qu’il est permis de dire c’est que, lorsque le libre arbitre humain n’est pas en question, le philosophe néo-platonicien semble admettre pleinement ce dogme aristotélicien. Il est donc naturel qu’il admette aussi la théorie de la Grande Année, qui en est un corollaire.

Platon pensait que toute idée est essentiellement universelle ; selon lui, il y a une idée de l’homme en général, mais il n’y a pas

  1. Sénèque, Questions naturelles, livre III, ch. XXVIII.
  2. Sénèque, Op. laud., livre III, ch. XXIX.
  3. Plotini Enneadis, IIIœ, lib. I, cap. II ; éd. Firmin Didot, Parisiis, MDCCCLV, p. 112.