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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


soient indiscernables les uns des autres, alors que les choses qui sont en ces mondes successifs ne sont pas [numériquement] les mêmes, mais ne diffèrent aucunement les unes des autres. »

En effet, « les Stoïciens[1] disent qu’il se produit périodiquement un embrasement de l’Univers, et qu’après cet embrasement, renaît une disposition du monde exempte de toute différence à l’égard de la disposition qui était auparavant réalisée. Beaucoup d’entre eux ont atténué cet enseignement ; ils disent qu’aux choses d’une période, advient une petite différence, une différence extrêmement faible par rapport aux choses de la période précédente. »

Les Stoïciens étaient donc unanimes à enseigner la palingénésie : mais lorsqu’il s’agissait de préciser la nature et le degré de la ressemblance entre les mondes successifs, entre les êtres analogues que renferment ces mondes, l’accord faisait place à la discordance des opinions ; les témoignages d’Alexandre, de Némésius, d’Origène nous permettent de reconnaître ce défaut d’harmonie.

Parcourons la littérature latine et la littérature grecque, et recueillons les enseignements que nous y rencontrerons au sujet de la palingénésie et de la Grande Année.

Nul ne s’est montré plus soucieux de ces grands problèmes que Marcus Tullius Cicéron. Nous ne saurions nous en étonner. Cicéron avait lu les ouvrages du stoïcien Panétius, qui fut le maître de Posidonius ; à Rhodes, il avait entendu Posidonius lui-même.

Dès sa jeunesse, lorsqu’il traduit en vers latins une partie des Phénomènes d’Aratus, Cicéron introduit[2], dans sa traduction, la définition platonicienne de la Grande Année :


Sic malunt errare vagæ per nubila cæli,
Atque suos vario motu metirier orbes.
Hæc faciunt magnos longinqui temporis anunos,
Quum redeunt ad idem cæli sub tegmine signum.


Cette Grande Année se trouvait de nouveau définie au traité De la nature des dieux[3] : « C’est à cause des mouvements inégaux des astres errants, lisait-on dans ce traité, que les mathématiciens

  1. Origenes Contra Celsum, lib. V, cap. XX ; J. von Arnim, Op. laud., no 626, vol. II, p. 190.
  2. Cicéron, Fragment de traduction des Phénomènes d’Aratus, vers 230-234. Les passages correspondants des Phénomènes d’Aratus (vers 455 sqq.) et de la Traduction des Phénomènes en vers latins, donnée par Germanicus (vers 431 sqq.) ne font aucune mention de la Grande Année.
  3. M. T. Ciceronis De natura deornm lib. II, cap. XX.