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L’ASTRONOMIE PYTHAGORICIENNE

vient, dit G. Schiaparelli[1], en le reliant aux dogmes fondamentaux de la Philosophie pythagoricienne, il apparaîtra certainement comme l’une des plus heureuses inventions du génie humain. Et cependant, certains auteurs modernes, incapables de se transporter par la pensée à ces temps où toute la science était à créer à partir des fondations, en ont parlé avec mépris ; ils l’ont soumis aux mêmes règles de critique que s’il s’était agi de juger une œuvre scientifique actuelle. Ceux-là ne sont pas dignes de comprendre la puissance de spéculation qui était nécessaire pour joindre ensemble l’idée de la rotondité de la Terre, celle de son isolement dans l’espace, et celle de sa mobilité ; et pourtant, sans ces idées, nous n’aurions eu ni Copernic ni Kepler ni Galilée ni Newton. »

Ce système a eu, dans les temps modernes, une singulière fortune.

Parmi les textes anciens qui lui ont suggéré ses hypothèses astronomiques, Copernic a cité, et à deux reprises, le passage du De placitis philosophorum où il est dit que Philolaüs considérait la Terre comme un astre et qu’il lui faisait décrire un cercle oblique autour du feu central. Il n’en a pas fallu davantage pour que nombre d’auteurs modernes fissent de Philolaüs l’inventeur de l’Astronomie heliocentrique et l’avant-coureur de Copernic. Gassendi, dont l’érudition était habituellement mieux informée, fut le premier, en sa Vie de Copernic, à donner cours à cette légende ; Ismaël Boulliaud en accrut la vogue lorsqu’en 1645, il intitula : Astronomia philolaïca l’exposé du système héliocentrique qu’il voulait substituer à celui de Képler ; Riccioli, Weidler, Montucla, Bailly, Delambre répétèrent à l’envi cette erreur que tant de textes formels, et si aisément accessibles, suffisaient à condamner. Rien n’égale la rapidité avec laquelle se répand l’erreur historique si ce n’est la ténacité quelle oppose aux tentatives de réfutation.


IV
HICÉTAS ET ECPHANTUS

L’astronomie de Philolaüs demeura sans doute longtemps en faveur dans les écoles qui suivaient les traditions de Pythagore, Lorsqu’Aristote discute cette doctrine, il l’attribue toujours non point à Philolaüs, mais aux Pythagoriciens, « à ceux d’Italie » ;

  1. G. Schiaparelli, I precursori di Copernico nell’Antichità ; loc. cit., p. 388.