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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


identité spécifique avec les êtres du monde précédent ? Il est probable que cette manière de voir trouvait accueil auprès de certains Stoïciens, de ceux, par exemple, qu’Origène a connus ; ceux-là, d’ailleurs, comme ceux dont Plutarque nous a parlé, soumettaient les dieux eux mêmes à la palingénésie ; au contraire, ceux dont Némésius a résumé les doctrines exemptaient de l’embrasement les êtres divins.

Voici, en effet, comment Origène présente la théorie du Portique[1] :

« Ce ne sont point les hommes qui sont nés le plus anciennement, comme Moïse et certains des prophètes, qui ont pris aux autres ce qu’ils ont dit de l’embrasement de l’Univers ; mais, si l’on veut tenir un langage qui repose sur la chronologie, ce sont plutôt les autres qui ont entendu tout de travers ces anciens auteurs et qui ont été inexactement instruits de ce que ceux-ci avaient dit : ils ont imaginé ces mondes qui reviennent selon certaines périodes d’identité, sans présenter aucune différence ni dans les rires particuliers (τοῖς ἰδίως ποιοῖς) [qui les composent] ni dans les propriétés accidentelles de ces êtres. Nous, en effet, nous n’attribuons ni le déluge ni l’embrasement aux révolutions et aux périodes des astres. »

« La plupart des Stoïciens[2] ne se contentent pas d’affirmer qu’il existe une telle période pour les êtres soumis à la mort ; ils enseignent qu’elle existe également pour les êtres immortels et pour ceux qu’ils regardent comme des dieux. Après l’embrasement de l’Univers, qui s’est déjà produit une infinité de fois et qui aura encore lieu une infinité de fois, Le même ordre se trouve engendré, pour se poursuivre depuis le commencement jusqu’à la fin de toutes choses. Bien que les Stoïciens, s’efforcent de conserver une certaine dissemblance [entre les mondes successifs], ils disent que, périodiquement, toutes choses reproduisent celles qui ont existé au cours des périodes précédentes, et cela sans que, je ne sais comment, elles en diffèrent d’aucune manière ; ainsi donc, ce n’est pas Socrate qui renaîtra de nouveau, mais un personnage entièrement semblable à Socrate, qui épousera une femme toute pareille à Xantippe, et sera accusé par des gens nullement différents d’Anytus et de Mélitus. Je ne sais comment le monde peut rester numériquement le même sans que les mondes successifs

  1. Origenes Contra Celsum, lib. IV, cap. XII ; J. von Arnim, Op. laud., no 628, vol. II, p. 191.
  2. Origenes Contra Celsum, lib. IV, cap. LXVIII ; J. von Arnim, Op. laud., no 626, vol. II, p. 190.