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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Les renseignements qu’Alexandre nous a fournis sont confirmés par un texte où la doctrine des Stoïciens est résumée d’une manière très claire et très complète : ce texte est d’un néo-platonicien chrétien, Némésius, qui vivait à la fin du ive siècle et au commencement du ve siècle, et qui fut évêque d’Émèse, en Syrie. Némésius est l’auteur d’un traité intitulé : De l’homme, Περὶ ἄνθρωπου. Sous ce titre : Philosophiæ libri octo, la traduction de cet écrit fut longtemps insérée dans les éditions latines des œuvres de saint Grégoire de Nysse, et regardée comme un traité de ce Père.

Voici donc ce que rapporte Némésius[1], qui avait lu Cléanthe et Chrysippe : « Lorsque chacun des astres errants, disent les Stoïciens, revient exactement, en longitude et en latitude, au point du ciel où il se trouvait au commencement, alors que le Monde fut constitué pour la première fois, ces astres errants produisent, au bout de périodes de temps bien déterminées, l’embrasement et la destruction de tous les êtres. Puis, lorsque ces astres recommencent de nouveau la même marche, le Monde se trouve reconstitué ; les astres décrivant derechef le chemin qu’ils ont déjà parcouru, chaque chose qui s’était produite en la précédente période s’accomplit, une seconde fois, d’une manière entièrement semblable. Socrate existera de nouveau, ainsi que Platon, ainsi que chacun des hommes avec ses amis et ses concitoyens : chacun d’eux souffrira les mêmes choses, maniera les mêmes choses ; toute cité, toute bourgade, tout champ seront restaurés. Cette reconstitution (ἀποϰατάστασις) de l’Univers se produira non pas une fois, mais un grand nombre de fois : ou plutôt, les mêmes choses se reproduiront indéfiniment et sans cesse. Quant aux dieux qui ne sont pas sujets à la destruction, il leur suffit d’avoir été témoins d’une seule de ces périodes, pour connaître, d’après celle-là, tout ce qui doit arriver dans les périodes ultérieures ; il n’arrivera rien, en effet, qui soit étranger à ce qui s’était produit une première fois : toutes choses se reproduiront de la même manière, sans aucune différence, et cela jusqu’à la moindre d’entre elles ».

Les Stoïciens dont parle Némésius avaient adopté l’opinion qu’avait assurément soutenue Chrysippe ; pour eux, la palingénésie rendait l’existence à des choses numériquement identiques à celles qui avaient antérieurement existé. Les disciples du Portique étaient-ils tous de cet avis ? Parmi eux, ne s’en trouvait-il pas qui entendaient la palingénésie comme Empédocle l’avait entendue. qui, aux êtres d’un monde, attribuaient seulement une

  1. Nemesius, Περὶ ἄνθρωπου cap. XXVIII J. von Arnim, Op. laud., no 625, vol. II, p, 190. Gregorii Nysseni Philosophiœ libri octo, lib. VI, cap. IV.