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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE

Citons quelques extraits de la Préparation évangélique d’Eusèbe :

« Voici ce qu’enseignent les Stoïciens au sujet de l’embrasement (ἐϰπύρωσις) du Monde : Les plus anciens partisans de cette secte ont pensé que toutes choses, au bout de certaines périodes extrêmement longues, étaient éthérifiées, qu’elles se dissociaient toutes en un feu semblable à l’éther…

» Il est évident, d’après cela, que Chrysippe n’a pas considéré cette dispersion comme atteignant l’existence même [du Monde], car cela est impossible, mais comme jouant le rôle de transformation (μεταϐολή) ; car ceux qui enseignent cette dissociation de l’Univers à l’état de feu, qu’ils nomment embrasement (ἐϰπύρωσις), n’admettent pas que cette destruction du Monde, qui se reproduit après de très longues périodes, soit, à proprement parler, une destruction ; ils usent de l’expression : destruction (φθορά) dans le sens de transformation naturelle. Il a plu, en effet, aux philosophes stoïciens que l’Univers se transformât en feu, comme en sa semence (σπέρμα), puis que, de ce feu, se produisît, de nouveau, une disposition toute semblable à celle qui existait auparavant. Ce dogme, les principaux philosophes de la secte et les plus anciens, Zénon, Cléanthe et Chrysippe l’admettaient. On dit, en effet, que Zénon [de Tarse], qui fut le disciple de ce dernier et son successeur à la tête de l’École stoïcienne, insistait sur l’embrasement de l’Univers…

» La raison commune reparaît alors pour recommencer la même marche (ἐπὶ τοσοῦτον) ; la commune nature, devenue plus ample et plus pleine, desséchant enfin toutes choses, et les reprenant en elle-même, est engendrée à la pleine existence ; elle reprend son cours selon la règle qu’elle avait une première fois suivie ; elle recommence cette restauration (ἀνάστασις) qui accomplit la très Grande Année ; suivant cette Grande Année, en effet, se produit ce renouvellement (ἀποϰατάστασις) [du Monde] qui part d’un certain état et revient, de nouveau, au même état. La nature recommence, dans l’ordre suivant lequel elle s’était, une première fois, disposée d’une manière semblable, à accomplir de nouveau, selon la même loi, la même suite d’événements ; et depuis une éternité, les mêmes cycles périodiques se reproduisent sans cesse. »

Que cette doctrine, enseignée par Zénon de Citium, par Cléanthe, par Chrysippe, ait été généralement reçue des Stoïciens, nous le savons par d’autres témoignages.

« Ils disent, écrit Aëtius[1], que l’organisation [de l’Univers]

  1. Aëtii Placita, lib. II, cap. IV ; J. von Arnim. Op. land., no 597, vol. II. p. 184.