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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

À la mort d’Aristote, donc, les diverses écoles philosophiques de l’Hellade s’accordaient presque toutes pour recommander aux physieiens la croyance en un Monde éternel qui, à des intervalles de temps rigoureusement constants, reprend une infinité de fois les mêmes états.

Vers le même temps, les influences venues de l’étranger orientaient la pensée grecque dans la même direction. Bérose révélait aux Hellènes les dogmes astrologiques des Chaldéens : il leur apprenait[1] que « le globe prendra feu quand tous les astres, qui ont maintenant des cours si divers, se réuniront dans le Cancer, et se placeront de telle sorte les uns sous les autres qu’une ligne droite pourrait traverser tous leurs centres : que le déluge aura lieu quand tous ees astres seront rassemblés de même sous le Capricorne ». Ainsi l’enseignement des astrologues chaldéens venait renforcer la tradition des physiologues grecs.

En ce concours d’influences, toutes de même sens, naquit une nouvelle école philosophique qui allait jouir d’une longue fortune, l’École du Portique. Faut-il nous étonner si la périodicité de l’Univers, rythmée par la Grande Année, si l’embrasement général qui doit inaugurer chaque Grand Eté, si le déluge universel qui marque le début de chaque Grand Hiver ont été communément reçus comme des dogmes par les Stoïciens ?

Déjà Simplicius, toutes les fois qu’il nous a rapporté les croyances d’Héraclite et d’Empédocle au sujet de la Grande Année, a eu soin d’ajouter[2] que les Stoïciens avaient, plus tard, adopté ces croyances ; d’autres témoignages, et plus détaillés, vont confirmer et compléter celui de Simplicius.

Un grammairien stoïcien du nom d’Arius Didyme, qui écrivait au temps d’Auguste, avait composé un Epitome physicæ qui est aujourd’hui perdu, mais dont maint fragment a passé dans les écrits de divers compilateurs. C’est ainsi que Jean Stobée et, surtout, Eusèbe nous ont conservé ce qu’Arius Didyme rapportait des enseignements de Zénon de Citium, de Cléanthe et de Chrysippe au sujet de la Grande Année[3].

  1. Sénèque, Questions naturelles, livre III, ch. XXIX.
  2. Vide supra, p. 71, p. 74 et p. 75.
  3. Arii Didymi Epitome physicæ fragmenta. Edidit Hermannus Diels, frgm. 36-37. — Joannis Stobæi Eclogarum physicarim et ethicarum libri duo ; lib. I, cap. XX : éd. Meineke, Lipsiæ 1870, p. 115. — Stoicorum veterum fragmenta collegit Ioannes ad Arnim. Vol. I : Zeno et Zenonis discipuli, no 107, p. 32, et no 512, p. 114 ; Lipsiæ, MCMV. Vol. II : Chrysippi fragmenta logica et physica, no 596 etno 599, pp. 183-185. Lipsiæ, MCMIIIEusebii Prœparatio evangelica, lib. XV, cap. XVIII, artt. 1-3 ? et cap. XIX, art. I.