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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE

sées émises par l’auteur de la Théologie. Il semble bien que l’un des deux auteurs se soit inspiré de l’autre. Or Simplicius insiste sur la très grande originalité de la théorie du temps exposée par son maître. Il est donc vraisemblable que celui-ci a précédé et inspiré l’auteur de la Théologie.


VI
LA GRANDE ANNÉE CHEZ LES GRECS ET LES LATINS, APRÈS ARISTOTE
A. — LES STOÏCIENS.

Les théories néo-platoniciennes du temps semblent continuer une tradition à l’origine de laquelle se trouve l’enseignement d’Archytas de Tarente ; cet enseignement, à son tour, rattache l’existence même du temps à la vie périodique de l’Univers et à la Grande Année qui rythme cette vie. Si nous voulons donc acquérir une idée complète de ce qu’était dans la Philosophie antique, après Aristote, la théorie du temps, il nous faut enquérir de la croyance en la périodicité de l’Univers, de l’hypothèse de la Grande Année.

Nous savons[1] combien cette croyance et cette hypothèse avaient été, d’une manière presque universelle, répandues chez les Hellènes, avant Aristote ; Jean Stobée, Censorin, le Pseudo-Plutarque, Simplicius nous ont appris qu’elles jouaient un rôle essentiel dans les doctrines d’Héraclite et d’Empédocle ; nous les avons vues, dans l’École pythagoricienne, fournir à Archytas l’unité absolue du temps ; nous avons entendu Platon, dans la République comme au Timée, faire allusion aux embrasements et aux déluges qui désolent alternativement le Monde, à la durée qui sépare les uns des autres ces cataclysmes périodiques et mesure l’Année parfaite, le Nombre parfait du temps.

Alors survient Aristote, qui rattache logiquement ces croyances à son système rationnel de Physique[2] ; la primauté du mouvement local sur tous les autres mouvements soumet aux circulations célestes toutes les transformations de la sphère sujette à la génération et à la corruption ; la vie du Monde sublunaire est, tout entière, une vie périodique, et sa période est le plus petit multiple commun des périodes de toutes les révolutions célestes.

  1. Vide supra, pp. 66-85.
  2. Vide supra, pp. 162-169.