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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


n’en sont point semblables ; le cercle du zodiaque, [par exemple], y est différent des autres cercles. Mais lorsque l’âme d’une étoile [errante] se trouve en un certain signe, elle ne s’en détache pas pour se transporter dans un autre signe ; dans cette âme, en effet, existe une substance immuable (fixa) qui ne peut passer d’un lieu à un autre, à moins que l’orbe qui la supporte et l’entoure ne la transporte avec lui. Les étoiles, d’ailleurs, ne sont pas toutes dans une même sphère, en sorte que leurs mouvements sont différents. »

Ce curieux passage suggère plus d’une réflexion.

En premier lieu, nous y voyons l’affirmation qu’au sein du Monde intelligible, du Monde des âmes et des substances permanentes, il y a des mouvements, que ces mouvements diffèrent les uns des autres et qu’ils sont, cependant, exempts de tout changement et de toute succession.

En second lieu, nous y voyons que les mouvements des astres du Monde intelligible, que les mouvements des âmes des astres sont identiques à des rotations d’orbes rigides qui tournent sur eux-mêmes en entraînant l’étoile qu’ils portent, à ces rotations auxquelles les astronomes ont ramené les mouvements des astres visibles. L’auteur de la Théologie d’Aristote, donc, pense que les mouvements considérés par les théories astronomiques sont ceux mêmes qu’ont, au sein du Monde des idées, les astres intelligibles. Cette pensée est bien conforme à la tradition de Platon.

Comme ces mouvements sont des rotations uniformes que des sphères accomplissent sur place, il lui semble permis de les regarder comme des mouvements où il n’y a pas de parties distinctes, comme des mouveements exempts de succession, en un mot, comme des mouvements qui s’accomplissent hors du temps.

Qu’il y ait, dans le Monde des substances divines, des mouvements exempts de succession, des mouvements, donc, qui ne peuvent être mesurés par le temps successif propre aux changements du Monde sensible, c’est une des pensées chères à Damascius ; c’est pour mesurer de tels mouvements qu’il conçoit ce qu’il appelle le temps premier ou substantiel.

En outre, comme Damascius, la Théologie d’Aristote, attribue à l’intelligence humaine le morcelage qui découpe en durées successives un temps absolument continu ; pour la Théologie comme pour Damascius, c’est notre âme qui substitue à la chute indivise d’une goutte d’eau les idées statiques des positions successives de cette goutte.

La doctrine que Damascius professe au sujet du temps apparaît ainsi comme un développement plus ample et plus clair des pen-