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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Plus tard, l’étude de la Théologie d’Aristote[1] nous retiendra longuement, alors que nous rechercherons les sources du Néoplatonisme arabe. Pour le moment, nous nous arrêterons seulement aux courts passages où cette Théologie parle du temps.

Nous l’entendrons, tout d’abord, affirmer nettement[2] que « le temps est inférieur à l’Âme, à l’intelligence et aux autres substances simples qui causent le temps ».

Cette affirmation se trouve confirmée par d’autres passages tels que ceux-ci :

« Les corps célestes[3] et les étoiles subissent hors du temps (sine tempore) l’action de la Cause première… L’Âme a l’Intelligence pour terme supérieur ; pour terme inférieur, elle a la Nature et la Matière première : toutes ces choses pâtissent hors du temps. »

Or, « voulez-vous savoir[4] si un patient pâtit dans le temps ? Examinez si l’agent auquel il est soumis agit dans le temps. D’un agent qui agit dans le temps, en effet, le patient pâtit dans le temps ; d’un agent qui agit en un instant (momentum), le patient pâtit en un instant. »

Nous voyons par là que toutes les substances supérieures à la Nature agissent hors du temps : en descendant la hiérarchie des substances, c’est seulement lorsque nous quittons l’ordre des substances proprement divines pour atteindre les degrés où résident la Nature et les corps du Ciel, que nous rencontrons le temps.

« Il y a[5] des choses perpétuelles et immobiles ; telle est l’Intelligence. Il y a des choses soumises au temps et mobiles : tel est le

  1. Au sujet de cet ouvrage et de ses doctrines, v. F. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, Partie IV, liv. III, ch. III, pp. 542 sqq.
  2. Sapientissimi Philosophi Aristotelis stagiritae. Theologia sive mistica Phylosophia Secundum Aegyptios noviter Reperta et in Latinum Castigatissime' redacta. Cum Privilegio. Colophon : Excussum in Alma Vrbium principe Roma apud lacobum Mazochium Romanæ Academiæ Bibliopolam. Anno Incarnationis Dominicæ M.D.XIX, kl. lunii. Pont. Sanct. D. N. D.. Leonis X. Pont. Max. Anno eius Septimo, Lib. IV, cap. III, fol. 19, vo et fol. 20, ro. — Libri quatuordecim qui Aristotelis esse dicuntur, de secretiore parte divinœ sapientiœ secundam Ægyptios. Qui si illius sunt, eiusdem metaphysica vere continent, cum Platonicis magna ex parte convenientia. Opus nunquam Lutetiœ editum, ante annos quinquaginta ex lingua Arabica in Latinam male converse : nunc vero de integro recognitum et illustratum scholiis, quibus huius capita singularity, cum Platonica doctrina sedujo conferuntur. Per Iacobum Carpentarium, Claromontanum Bellovacum. Parisiis, Ex officina Iacobi du Puys, è regione collegij Cameracensis, sub insigui Samaritanœ. 1572. Ex Privilegio Regis Lib. IV, cap. III, fol. 33, vo.
  3. Aristotelis, Theologia, Lib. VII, cap. VII ; éd. 1519, fol. 34, vo et fol. 35 (marqué 37) ro ; éd. 1572, fol. 60, vo, et fol. 61, ro.
  4. Aristotelis, Theologia, Lib. I, cap. VII ; éd. 1519, fol. 5, ro ; éd. 1572, fol. 8, ro.
  5. Aristotelis, Theologia, Lib. VII, cap. VII ; éd. 1519, fol. 34, vo et fol. 35 (marqué 37) ro ; éd. 1572, fol. 61, ro.