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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

» Ainsi pratique-t-elle des divisions jusqu’au sein de l’Unité intelligible, parce qu’il lui est impossible d’en comprendre simultanément l’universalité ; elle en considère donc d’une part la justice, d’autre part la tempérance, d’un troisième côté la science ; et cependant, chacune de ces trois vertus n’existe que par le tout. De même, lorsqu’elle veut démontrer que l’âme est immortelle, elle pose trois notions séparément définies, l’âme, le pouvoir de se mouvoir soi-même, l’immortalité, et cependant, c’est l’âme unique qui possède à la fois, en elle-même, ces trois caractères d’être âme, de se mouvoir elle-même et d’être immortelle.

» C’est de la sorte qu’elle se comporte à l’égard des êtres intelligibles et des êtres qui possèdent une unité ; en elle-même, elle pratique des distinctions au sein de leur unité ; puis elle suppose que ces choses sont, en réalité, conformes à une certaine notion qu’elle possède de chacune déliés. De même, semble-t-il, grâce à la fixité des idées qui subsistent en elle, elle tend à figer le fleuve des choses soumises à la génération ; elle délimite une certaine durée et la réunit en un seul tout pour en faire le présent, puis, à l’aide de ce présent, elle circonscrit et distingue les unes des autres les trois parties du temps.

» Notre intelligence est intermédiaire par son essence entre les choses qui sont sans cesse engendrées et les choses qui existent d’une manière permanente ; elle s’efforce donc de connaître les unes et les autres conformément à sa propre nature ; dans celles-ci, elle introduit des distinctions qui les transforment en des choses moins parfaites, mais dont la nature est plus voisine de la sienne ; celles-là, elle les condense en quelque chose de supérieur à ce qui s’engendre sans cesse, mais de plus accessible à sa propre connaissance, C’est ainsi que pour connaître le jour, le mois ou l’armée, elle circonscrit chacune de ces durées, la détache de la totalité du temps qui s’écoule sans cesse, et la comprend simultanément en une idée unique. »

Après avoir décrit de la sorte le disparate qui sépare le temps formé d’idées condensées, statiques et discontinues, tel que notre intelligence le saisit, du temps réel qui s’écoule perpétuellement en un devenir continu, Damascius applique à la solution de quelques difficultés les principes qu’il vient de poser.

Ces corollaires, nous ne les exposerons pas ; la page que nous venons de citer suffira à faire connaître la pensée du maître de Simplicius.

Cette pensée est une des dernières venues parmi toutes celles