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L’ASTRONOMIE PYTHAGORICIENNE

Stobée vient ici confirmer[1] le témoignage d’Aristote : « Selon l’histoire écrite par Aristote et l’affirmation de Philippe d’Oponte, certains Pythagoriciens attribuent les éclipses de Lune à l’interposition soit de la Terre, soit de l’Anti-terre ». Ce Philippe d’Oponte, disciple de Platon, avait écrit sur les éclipses de Soleil et de Lune.

Le Pseudo-Plutarque nous apprend[2], lui aussi, que, selon certains Pythagoriciens, les éclipses de Lune sont produites soit par la Terre, soit par l’Anti-terre.

Dans le système de Philolaüs, la Terre n’occupe pas le centre du Monde ; elle est à une certaine distance de ce centre autour duquel elle tourne ; toutefois Philolaüs et ses disciples n’hésitaient pas, en la plupart des questions astronomiques, à raisonner comme si la Terre se trouvait au centre de l’Univers. « Selon eux, nous dit Aristote[3], la circonstance que la Terre est à une distance du centre égale au rayon du cercle qu’elle décrit n’empêche pas les phénomènes de nous apparaître comme si la Terre était au centre du Monde ; de même [dans le système que nous adoptons] maintenant, le fait que nous sommes à une distance du centre égale au rayon [terrestre] ne produit aucune différence sensible. »

Cette explication supposait que la distance de la Terre au centre du Monde fût une grandeur comparable au rayon terrestre et que les distances de la Terre aux astres fussent des grandeurs beaucoup plus considérables.

Plutarque (et non plus le Pseudo-Plutarque qui a écrit le De placitis philosophorum), Plutarque, disons-nous, nous apprend comment Philolaüs et ses disciples évaluaient ces diverses distances.

« Beaucoup de philosophes, dit-il[4], introduisent à ce propos les idées pythagoriciennes et procèdent en triplant sans cesse les distances à partir du centre. Prenant le [rayon du] feu comme unité, ils comptent 3 jusqu’à l’Anti-terre, 9 jusqu’à la Terre, 27 jusqu’à la Lune, 81 jusqu’à Mercure, 243 jusqu’à Vénus, 729 jusqu’au Soleil ; ce dernier nombre est à la fois un carré et un cube ; aussi nomment-ils le Soleil le carré-cube. Ils obtiennent les autres distances par triplication successive. »


    Anaxagore admettait aussi que nombre d’éclipses de Lune étaient produites par l’ombre de certains corps qui nous demeuraient invisibles (Schaubach, Geschichte der griechischen Astronomie bis auf Eratosthenes, p. 456).

  1. Stobæi Eclogæ physicæ, I, 26 ; éd. Meineke, p. 153.
  2. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum lib. II, cap. XXIX.
  3. Aristote, De Cœlo lib. II, cap. XIII (Aristotelis Opera, éd. Ambroise Firmin-Didot, vol. II, pp. 403-404 ; éd. Bekker, vol. II, p. 293, col. b).
  4. Plutarque, De animæ procreatione in Timœo cap. XXXI (Plutarque, Œuvres, éd. Firmin-Didot, pp. 1257-1258).