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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


est intermédiaire entre les natures éternelles et les choses inférieures ; par le devenir (τῷ γίνεσθαι), il est apparenté aux choses inférieures ; par la perpétuité (τῷ ἀεί), il imite les natures éternelles. « Il y a donc deux manières d’être éternel ; l’une est celle de l’éternité ; l’autre est une manière d’être éternel dans le temps ; l’une est une éternité fixe, l’autre une éternité qui se fait ; la première possède une existence ramassée sur elle-même et dont la totalité ne fait qu’un : la seconde s’étend et se déploie au cours du temps ; La première est, de soi, entière ; la seconde est composée de parties dont chacune est extérieure aux autres parties qu’elle précède ou qu’elle suit. »

Avec Proclus, arrêtons-nous un moment à l’étude de ces substances qui sont perpétuelles sans être éternelles, parce qu’elles sont dans un continuel devenir.

Au sujet de ces substances, voici d’abord un premier théorème, qui est fondamental[1] : « Tout ce qui participe du temps mais se meut toujours est rythmé d’une manière périodique. Πᾶν τὸ χρόνου μετέχον, ἀεὶ δὲ ϰινούμενον, περιόδοις μετρεῖται ». De cette proposition, voici la démonstration que donne le successeur de Syrianus :

« Les êtres sont tous bornés en nombre et en grandeur. Ces êtres étant bornés, il n’est pas possible, en ligne droite, d’y décrire un parcours illimité. D’autre part, ce qui se meut toujours ne peut décrire un parcours borné. Partant, une chose qui se meut toujours reviendra de nouveau à l’état même d’où elle est partie, en sorte qu’elle accomplira un cycle (περίοδον). »

Cette démonstration, il nous est aisé d’en reconnaître l’origine. C’est celle par laquelle Aristote, au VIIIe livre de la Physique, au premier livre du traité Du Ciel, démontrait que le seul mouvement dont sont susceptibles les êtres exempts de génération et de corruption est le mouvement circulaire et uniforme.

Cette démonstration, Proclus la connaissait fort bien ; il en avait fait l’un des principaux objets d’un petit traité intitulé : Du mouvement, Περὶ ϰινήσεως, ou bien : Institution physique, Στοιχείωσις. Dans cet opuscule, il s’était attaché à prouver, suivant les formes rigoureuses de la Géométrie, l’exactitude de ces trois théorèmes[2] :

  1. Procli Diadochi Institutio theologica, CXCVIII ; éd, 1822, pp. 294-297 ; éd. 1855, p. CXIII.
  2. ΠΡΟΚΛΟΥ ΔΙΑΔΟΧΟΥ ΠΕΡΙ ΚΙΝΗΣΕΩΣ ΒΙΒΛΙΑ Β. Procli Diadochi De motu libri duo, nunc primum lalinitate donati, Iusto Velsio Hagano Medico interprete. Basileæ, 1545. In fine : Basileæ per Ioannem Hervagium. Anno salutis MDXLV. Mense Martio. Lib. II, Theor. 5, 17 et 18. — ΠΡΟΚΛΟΥ ΔΙΑΔΟΧΟΥ