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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

» Chacune de ces deux choses exemptes de participation, l’Éternité et le Temps, est la même, d’une manière universelle, en tous les êtres [qui participent d’elle]. Au contraire, [l’éternité ou le temps] reçu par participation n’est le même qu’en chacun des êtres qui le reçoivent. » En deux êtres participants différents, il n’est pas le même. « Il y a, en effet, un grand nombre d’êtres éternels, un grand nombre d’êtres temporels ; en tous ces êtres, l’éternité [ou le temps] se trouve par participation ; le temps y est subdivisé ; mais celui-là, [le Temps exempt de participation], est indivisible ; et le Temps un est antérieur à ces temps multiples.

» Il existe donc, d’une part, l’Éternité des éternités, d’autre part, le Temps des temps ; ce sont les fondements des [éternités et des temps] reçus par participation. »

Cette Éternité en soi, ce Temps en soi sont des mesures (μέτρα)[1]. L’éternité est la commune et unique mesure de la vie de toutes les choses éternelles ; le Temps est la commune et unique mesure de la vie et du mouvement de toutes les choses temporelles. La vie et le mouvement de tous les êtres ne comportent donc que ces deux mesures. « Tout étalon qui sert à mesurer, en effet, mesure à l’aide d’une division « les parties, ou bien s’applique tout entier et exactement à l’objet à mesurer. Or ce qui mesure par sa totalité, c’est l’Éternité ; ce qui mesure par subdivision, c’est le Temps ; il n’y a donc que ces deux mesures, l’une pour les choses éternelles, l’autre pour les choses temporelles. »

Ces pensées rappellent de fort près celles de Jamblique ; nous allons entendre Proclus les expliquer, au cours de la Στοιχείωσις, et nous les verrons rejoindre presque entièrement l’antique doctrine d’Archytas de Tarente.

Les choses qui existent dans le temps sont de deux espèces[2] ; les unes ont simplement une durée limitée à une certaine partie du temps ; les autres durent toujours ; leur existence n’a ni commencement ni fin. Ces dernières, cependant, ne peuvent pas être mises au rang des substances éternelles, car elles sont soumises au changement, au devenir, tandis que les substances vraiment éternelles demeurent toujours identiques à elles-mêmes ; et toutefois, leur perpétuité leur assure une certaine ressemblance avec les substances éternelles.

Ainsi, ce qui est sujet au perpétuel devenir (τὸ ἀεὶ γινόμενον)

  1. Procli Diadochi Op. laud., cap. LIV : éd. 1822, pp. 84-85 : éd. 1855, p. LXIX.
  2. Procli Diadochi Op. laud., cap. LV : éd. 1822, pp. 86-87 : éd. 1855, pp. LXIX-LXX.