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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


cède et qui l’imite au sein des êtres (τὰ μετέχοντα) qui existent seulement en participant à la réalité de l’Un et de l’Intelligence, sont, pour Jamblique, des sujets dignes d’une longue méditation dont le Commentaires aux Catégories nous apporte les fruits. « L’énergie », dit Jamblique[1], « n’est pas sans cesse engendrée par le présent indivisible (τὸ ἀμερές) comme la lumière l’est par la lampe. Elle est insensible et elle ne s’écoule pas. Elle demeure toujours mobile en son développement, elle existe toujours, elle est toujours en acte, elle n’est jamais engendrée ; étant inengendrée, elle procède, dans l’absence de tout mouvement, en une forme qui demeure numériquement toujours la même, et elle n’est jamais détruite. On dit, toutefois, que le présent est sans cesse engendré. Cependant, voici ce qui me semble immédiatement évident : C’est que toute chose engendrée a commencé à un certain moment (ποτέ) d’être engendrée, et qu’elle n’est pas sans cesse engendrée ; que le présent, par conséquent, existe et n’est pas engendré. Une chose engendrée dans un développement qui présente le caractère du mouvement n’est pas engendrée dans le présent ; le repos, en effet, semble mieux convenir au présent que le mouvement. Nous devons penser que le présent indivisible est quelque chose de permanent (συνεχές τί), qu’il mesure un mouvement permanent, et qu’il est la cause génératrice du temps.

» Où donc faut-il placer par la pensée le cours du temps et son développement ? Dans les êtres, dirons-nous, qui existent seulement par participation ; sans cesse engendrées, en effet, ces choses ne peuvent recevoir dans l’immobilité l’essence en équilibre du temps ; cette essence entre en relation tantôt avec une partie de ces choses et tantôt avec une autre, et ces relations changeantes nous présentent d’une manière faussée ce que ces choses éprouvent de la part de cette essence. La propriété d’être engendré dans le présent (τὸ γίνεσθαι νῦν) existe donc dans les choses qui participent continuellement du présent perpétuel ; dans ces choses qui se comportent tantôt d’une manière et tantôt d’une autre à l’égard de l’Unité permanente, il existe une ressemblance particulière avec le présent indivisible, et c’est ce présent qui en fait don aux choses qui sont engendrées tantôt d’une façon et tantôt d’une autre. Ainsi donc la diversité numérique constamment changeante des choses qui existent par participation marque combien elles diffèrent du présent indivisible ; mais, par contre, la persistance de l’espèce de chacune d’elles, qui demeure constamment la même, manifeste leur ressemblance avec ce présent. »

  1. Simplicius, loc. cit., ; éd. cit., pp. 792-793 et p. 787.