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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


du Soleil, autre le temps de la Lune, autre le temps de Vénus, autre le temps de chacun des mobiles ; c’est pourquoi, à chaque astre, correspond une année différente — Διὸ ϰαὶ ἄλλου ἐνιαυτὸς ἄλλος ».

« Mais il est une année qui embrasse toutes les autres ; c’est l’année qui se trouve totalisée dans le mouvement de l’Âme du Monde, car c’est à l’imitation de ce mouvement-là que tous ces corps se meuvent — Καὶ ὁ τούτους περιέχων ἐνιαυτὸς ϰεφαλαιούμενος εἰς τὴν τῆς Ψυχῆς ϰίνησιν, ἧς ϰατὰ μίμησιν ϰινουμένων τούτων. »

Porphyre ramène ici des pensées qu’Archytas et Platon avaient indiquées ; il les formule avec une parfaite clarté. Si tous les astres se meuvent, c’est pour imiter chacun à sa manière, le premier et le plus parfait des mouvements, le mouvement interne de l’Âme du Monde ; chacun de ces corps aura donc, comme l’Âme, un mouvement cyclique ; à chacun de ces mouvements, un temps particulier sera attaché ; la période de chacun de ces mouvements aura une durée bien déterminée qui sera l’année propre à tel ou tel astre.

Mais ces années propres aux divers astres doivent imiter la durée périodique du mouvement de l’Âme ; elles doivent être des parties aliquotes de cette durée ; la période du mouvement de l’Âme doit embrasser, comprendre (περιέχειν) toutes les périodes des mouvements planétaires ; elle constitue la Grande Année.

L’exposition de Porphyre marque clairement comment, pour le Néo-platonisme, la théorie de la périodicité de l’Univers et de la Grande Année est intimement liée à la théorie du temps. Au paragraphe VI, d’autres textes viendront confirmer cette liaison. Elle ne sauvait, d’ailleurs, nous surprendre, car les doctrines néo-pLatoniciennes relatives au temps ne font que développer la doctrine pythagoricienne d’Archytas de Tarente.

Apulée (Lucius Apuleius) naquit à Madaure, petite ville d’Afrique, en 114 après J.-C., il mourut en 184. Parmi ses écrits, se rencontre un traité, en trois livres, intitulé De dogmate Platonis. Cet exposé sommaire de la doctrine de Platon contribua certainement beaucoup à la répandre dans le monde latin.

Le premier livre, consacré à la Physique (Philosophia naturalis), est un résumé du Timée. On y trouve, sous une forme sommaire, une théorie du temps qui semble très voisine de celle de Plotin et de Porphyre.

Selon Apulée, le temps est un être produit par le Démiurge : « Le temps, dit-il, est l’image de l’éternité ; toutefois, le temps est en mouvement, tandis que l’éternité est fixe et immobile par