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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Le temps est ainsi un attribut des actions et des mouvements ; c’est par une locution vicieuse que nous disons que les actions, que les mouvements sont dans le temps ; en vérité, c’est le temps qui accompagne toutes les actions et tous les mouvements et qui, plutôt, est en eux. « Le jour, la nuit, le mois, l’année ne sont ni le temps ni des parties du temps ; ce sont simplement l’éclairement ou l’obscurité, la révolution de la Lune ou celle du Soleil ; quant au temps, c’est une grandeur dans laquelle ces phénomènes sont accomplis. »

Quelle est la nature de cette quantité continue que nous nommons temps ? Straton ne s’explique pas à cet égard. Il est à remarquer, d’ailleurs, que si son enseignement contredit celui qu’Aristote avait donné dans ses Physiques, il serait conciliable avec les quelques lignes par lesquelles le Stagirite, aux Catégories, place le temps et le mouvement, à côté de la longueur, parmi les quantités continues, tandis qu’il les sépare du nombre discontinu.

Les critiques de Straton de Lampsaque ne paraissent avoir eu d’influence ni sur Alexandre d’Aphrodisias ni sur Thémistius ; les fragments, conservés par Simplicius, des Commentaires du premier et la Paraphrase du second ne s’écartent que fort peu de la théorie du temps donnée par Aristote. C’est seulement au sein des écoles néo-platoniciennes que nous allons voir délaisser cet enseignement.


III
LES THÉORIES NÉO-PLATONICIENNES DU TEMPS : PLOTIN, PORPHYRE, APULÉE, JAMBLIQUE, PROCLUS

Les Néo-platoniciens vont distinguer deux temps ; l’un, dont ont disputé les disciples d’Aristote, est le temps physique (φυσιϰὸν χρόνον) ; il n’est qu’un effet de l’autre temps, du temps primordial (πρῶτον χρόνον), qui est la cause du temps physique ; ce temps-là, identique ou analogue à celui qu’avait considéré Archytas, est demeuré inconnu aux Péripatéticiens.

« Parmi les philosophes modernes, dit Simplicius[1], Plotin est le premier qui ait ramené l’attention sur ce temps premier. » À l’appui de cette affirmation, Simplicius cite[2] divers passages de Plotin que nous retrouvons dans les Ennéades[3] où Porphyre a rédigé la doctrine de son maître.

  1. Simplicius, loc. cit., p. 790.
  2. Simplicius, loc. cit., p. 790-791.
  3. Plotini Enneadis IIIæ lib. VII.