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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

logies. Les doctrines de Posidonius, qui fonda son École à Rhodes, en 103 av. J.-C., rappellent mieux encore celles d’Aristote.

Nous ne prétendons exposer ici, en toutes leurs parties, ni la Physique stoïcienne ni les diverses Physiques néo-platoniciennes. Notre attention se portera seulement sur quelques théories, peu nombreuses, qu’il nous faudra connaître pour bien comprendre comment certaines idées se sont offertes aux Chrétiens du Moyen-Âge et ont préparé l’avènement de la Science moderne ; telle est la théorie du temps ; telle est la théorie du lieu, dont celle du vide ne peut être séparée.


II
LA THÉORIE DU TEMPS CHEZ LES PÉRIPATÉTICIENS

Les théories du temps qui vont se développer dans la Philosophie grecque après Aristote se peuvent classer en deux catégories ; les unes chercheront un temps absolu dans un monde autre que celui dont les sens nous donnent la perception ; les autres feront du temps une chose relative aux mouvements du monde sensible. Les théories du premier groupe pourront s’autoriser des doctrines d’Archytas de Tarente et de Platon ; elles se développeront au sein des écoles néo-platoniciennes. Les théories du second groupe seront recommandées aux Péripatéticiens par l’exemple d’Aristote.

Aristote, en effet, découvrait le temps dans n’importe quel mouvement du monde sensible ; le temps, c’est ce par quoi les divers états du mobile peuvent être énumérés suivant leur ordre de succession. Le Stagirite ne cherchait pas l’origine du temps dans un monde supra-sensible ; le monde supra-sensible, le monde des substances séparées, est formé d’intelligences qui durent, toujours ; « or, les êtres qui durent toujours[1], par cela même qu’ils durent toujours, ne sont pas dans le temps ; ils ne sont point contenus par le temps et leur existence n’est pas mesurée par le temps ; la preuve en est qu’ils ne pâtissent aucunement de la part du temps, attendu qu’ils ne sont pas dans le temps ». Entre l’éternité des substances perpétuelles et le temps auquel sont soumises les substances vouées à la génération et à la corruption, Aristote ne tentait aucun rapprochement.

  1. Aristote, Physique, livre IV, cap. XII [XIX] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 303 ; éd. Bekker, vol. I, p. 221, col. b).