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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


qualité que le fer devient apte à se mouvoir vers la pierre d’aimant ».

Cette qualité, d’ailleurs, le fer la reçoit de l’aimant par l’intermédiaire de l’air interposé[1] ; l’aimant altère d’abord l’air, de manière à lui communiquer une qualité particulière, et l’air, à son tour, communique au fer une qualité analogue.

Il est intéressant de remarquer combien ces vues d’Averroès sur l’attraction magnétique ont d’affinité avec celles qui ont cours auprès des physiciens contemporains. Dès l’instant qu’un aimant est amené en un certain lieu, il commence à déterminer, dans l’air qui entoure ce lieu, l’apparition d’une certaine propriété, la polarisation magnétique ; la région où l’air est polarisé s’étend graduellement aux dépens de celle où l’air n’est pas encore polarisé ; la surface qui sépare ces deux régions l’une de l’autre se propage comme une onde lumineuse, et avec la même vitesse. Lorsque cette onde magnétique atteint un morceau de fer doux, ce fer se polarise à son tour et, tout aussitôt, ses diverses parties se trouvent soumises à des forces qui le meuvent vers l’aimant.

Averroès veut que toute action où un corps semble en mouvoir un autre à distance, et avec une puissance d’autant moins intense que la distance est plus grande, s’exerce de la même manière que l’action magnétique ; à deux reprises, il en rapproche l’action par laquelle l’ambre frotté attire les fétus, et la Physique moderne souscrirait à ce rapprochement.

Bon nombre de physiciens contemporains se montrent, d’ailleurs, portés à admettre en sa plénitude l’opinion du Commentateur touchant les actions à distance ; au type fourni par les attractions électromagnétiques, ils voudraient ramener toutes les actions et, en particulier, la gravitation universelle ; mais leur désir est encore bien loin de se voir réalisé.

À ce type, au contraire, le Commentateur entend, comme Aristote, soustraire la pesanteur et la légèreté, qu’il ne regarde pas comme des attractions ; et il affirme qu’elles ne dépendent pas comme de la distance qui sépare le mobile du lieu où il tend.


Les pages qui composent ce Chapitre n’exposent pas toute la Physique d’Aristote ; elle n’en exposent même pas, tant s’en faut, toutes les doctrines essentielles ; presque seules, y ont été résumées les théories qui interviendront constamment dans les débats relatifs aux divers systèmes astronomiques.

  1. Averroès, Op. laud., in lib. VIII comm. 35.