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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


tement au-dessous de l’orbe de la Lune : si l’on place du feu hors de ce lieu, par exemple sur la terre, il montera naturellement vers l’orbe de la Lune. De même, une masse de terre se porte naturellement vers le centre du Monde ; c’est donc là qu’est le lieu de son repos naturel ; aux trois derniers paragraphes, nous avons vu comment ce corollaire servait de point de départ à l’explication de la figure, de la situation et de l’immobilité de la terre.

2o S’il faut exercer une violence sur un corps pour le tenir immobile en un certain lieu, ce corps, placé hors de ce lieu, ne se portera pas vers lui sans violence.

Un fragment de terre, par exemple, ne demeurerait pas immobile au voisinage de l’orbe de la Lune, à moins d’y être détenu par une certaine violence ; si donc on le place à la surface du globe terrestre, il ne montera pas, à moins d’y être poussé par quelque puissance étrangère à sa nature.

Le second des principes auxquels Aristote appuie sa démonstration est le suivant :

S’il existe un monde hors celui que nous connaissons, ce monde doit être formé d’éléments spécifiquement identiques à ceux qui composent le noire. Il ne saurait être formé d’éléments que l’on pourrait bien nommer terre, eau, air, feu, mais qui, sous cette similitude purement verbale, seraient essentiellement différents de notre terre, de notre eau, de notre air, de notre feu. S’il en était ainsi, en effet, ce monde-là n’aurait avec le nôtre, lui aussi, qu’une analogie toute verbale ; ce ne serait, pas, en réalité, un Second monde. Il faut donc que la terre de ce monde-là ait même espèce (ἰδέα) que la terre de ce monde-ci ; et l’on en peut dire autant de l’eau, de l’air et du feu.

Chacun des éléments du second monde, ayant même espèce que l’élément correspondant du premier, aura aussi même puissance (δύναμις) ; par exemple, puisque la terre, dans notre monde, cherche naturellement à en gagner le centre, son mouvement naturel, dans le second monde, tendra aussi au centre de ce monde ; de même, la nature du feu le portera toujours à s’éloigner du centre du monde au sein duquel il se trouve.

Fort de ces deux principes dont le second, il faut bien le reconnaître, ne tient que parmi lien assez lâche à l’ensemble de sa Physique, Aristote entreprend de prouver que l’existence simultanée de deux mondes est une absurdité.

La terre du second monde a même espèce que la terre du premier ; elle est donc en puissance des mêmes formes et du même