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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


proposé de rétablir est-il bien celui qu’Aristote avait sous-entendu ? Il nous serait permis d’en douter si nous n’avions, pour asseoir notre conviction, le témoignage de l’un des plus pénétrants interprètes du Stagirite, de Simplicius.

Simplicius, commentant le texte que nous avons cité, écrit ceci[1] :

« Si l’on prétendait que c’est autour de son centre même que le Ciel se meut, on affirmerait, semble-t-il, une chose impossible ; le centre, en effet, n’est autre chose que le terme d’un corps ; il ne peut demeurer immobile lorsque se meut le corps dont il est le terme ; le centre n’a point d’existence par lui-même ; puis donc que le centre ne peut être immobile, le Ciel ne saurait tourner autour de lui. »

Non seulement Simplicius interprète de cette manière la pensée d’Aristote, mais il nous apprend que cette interprétation était aussi celle d’Alexandre d’Aphrodisias et de Nicolas de Damas ; il nous est donc permis de croire que ces réflexions, pour étranges qu’elles nous paraissent, sont conformes aux intentions du Stagirite.

Le passage de Simplicius que nous venons de rapporter est précédé de ces lignes : « Tout corps animé d’un mouvement de rotation possède, en son centre, un corps immobile autour duquel il tourne. C’est, en effet, une proposition universellement vraie : Toutes tes ibis qu’un corps se meut de mouvement local, il existe nécessairement quelque chose fixe vers laquelle ou autour de laquelle ce corps se meut ; cela est démontré dans le livre Du mouvement des animaux ».

Cet appel aux théories exposées dans le livre Du mouvement des animaux n’a point été, d’ailleurs, imaginé par Simplicius ; celui-ci nous apprend qu’Alexandre d’Aphrodisias invoquait également ces théories afin de prouver que le mouvement du Ciel requiert un corps central immobile.

Les commentaires au De Cælo d’Aristote qu’Alexandre avait composés sont aujourd’hui perdus ; ceux de Simplicius nous ont été conservés ; entre ceux-là et ceux-ci se placent, dans le temps, les Paraphrases de Thémistius.

Nous ne possédons plus le texte grec de la Paraphrase sur le De Cælo que Thémistius avait rédigée ; mais cette Paraphrase avait été traduite en arabe, probablement sur une version syriaque ; de l’arabe, elle fut transcrite en hébreu ; enfin, au xvie siècle, un

  1. Simplicii In Aristotelis libros De Cœlo commentarii. lib. II, cap. III, éd. Karsten, p. 178, col. b ; éd. Heiberg, p. 398.