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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


cette terre qui nous paraît immobile ; ils les prépareront à recevoir sans étonnement les suppositions de Copernic.

Ces mouvements incessants de la terre modifient continuellement, d’ailleurs, la disposition de la mer et des continents. L’étude de ces changements, affirmés par les Parisiens du xive siècle, séduira au plus haut point la curiosité de Léonard de Vinci et en fera l’initiateur de la Stratigraphie[1].

Ainsi, dans un corollaire déduit par Aristote de sa théorie de la pesanteur, il nous est donné de reconnaître le germe infime d’où sont issues plusieurs des grandes doctrines dont la Science contemporaine se montre légitimement fière. En ce corollaire, le Stagirite voyait surtout l’explication physique de l’immobilité de la terre au centre du Monde.


XV
L’IMMOBILITÉ DE LA TERRE

Au temps d’Aristote, la doctrine de Philolaüs, qui mettait la terre hors du centre du Monde et la faisait mouvoir autour de centre occupé par le feu, comptait sans doute des partisans attardés, au sein des écoles pythagoriciennes de l’Italie ; lorsqu’Aristote nomme[2] les défenseurs de cette opinion : « Οἱ περὶ Ἰταλίαν, ϰαλούμενοι δὲ Πυθαγόρειοι », il en parle comme il le ferait de contemporains.

D’autres pythagoriciens, postérieurs à Philolaüs, se contentaient de donner à la terre un mouvement de rotation propre à sauver la circulation diurne des astres ; tels étaient Hicétas et Ecphantus[3] ; leur enseignement n’était, assurément pas sans disciple à l’époque où écrivait Aristote.

Enfin, à cette même époque, nous le verrons, Héraclide du Pont attribuait probablement à la terre un double mouvement, un mouvement, diurne de rotation et un mouvement annuel de circulation autour du Soleil.

  1. P. Duhem. Albert de saxe et Léonard de Vinci, II et III (Études sur Léonard de Vinci, ceux qu’il a lus et ceux qui l’ont lu. Premiire série, pp. 13-19 et pp. 29-33). — Léonard de Vinci, Cardan et Bernard Palissy, III et IV (Ibid., Première série, pp. 234-253). — Léonard de Vinci et les Origines de la Géologie. (Ibid., Seconde série, pp 283-357).
  2. Aristote, De Cœlo, lib. II, cap. XIII (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 403 ; éd. Bekker, vol. I, p. 203, col. a).
  3. Vide supra, chapitre I, § IV, pp. 21-27.