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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


vient par nature à la substance céleste ; il reste donc que le mouvement rectiligne soit le mouvement naturel des corps, susceptibles de génération et de corruption, contenus par la concavité de l’orbe lunaire.

Les translations simples sont de deux sortes[1] ; les unes sont dirigées vers le centre de l’Univers, les autres suivent des directions issues de ce point ; le mouvement rectiligne centripète, le mouvement vers le bas, est le mouvement naturel des corps graves ; le mouvement rectiligne centrifuge, le mouvement vers le haut, est le mouvement naturel des corps légers.

Il peut arriver qu’un corps grave comme la terre, soit mû vers le haut, qu’un corps léger, comme le feu, soit mû vers le bas ; mais, en de tels cas, le mobile est soumis à l’action d’un moteur étranger à sa nature, et son mouvement est un mouvement violent. Violent également tout mouvement qui conduit un corps sublunaire suivant une trajectoire autre que la verticale. Le feu, par exemple, dans la sphère qu’il occupe immédiatement au-dessous de l’orbe de la Lune, tourne d’Orient en Occident[2] ; ce mouvement est mis en évidence par celui des comètes, météores qui se forment, selon Aristote, au sein de cette sphère ignée ; mais le feu, corps léger, a pour mouvement naturel le mouvement rectiligne ascendant ; corps simple, il ne peut avoir par nature deux mouvements simples ; le mouvement de rotation est donc en lui par violence[3] ; il lui est imprimé par la révolution des vieux.

Le mouvement de rotation peut se poursuivre indéfiniment-dans le même sens ; il n’en est pas de même du mouvement rectiligne, car le mobile ne saurait, sans sortir de l’Univers, décrire une droite infinie, et il ne pourrait, d’ailleurs, se mouvoir au delà des bornes de l’Univers[4]. Le corps absolument léger, qui est le feu, ne montera suivant la verticale que jusqu’au moment où il rencontrera l’orbe de la Lune, formé d’un corps indestructible et, partant, infranchissable ; le corps absolument lourd, qui est la terre, ne descendra que jusqu’au moment où il atteindra le centre du Monde ; il ne s’avancera pas au delà, car sa marche serait désormais une ascension contraire à sa nature.

  1. Aristote, De Cœlo, livre I, cap. II (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 368 ; éd. Bekker, vol. I, p. 268, col. b).
  2. Aristote, Météores, livre I, ch. III (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. III, p. 555 ; éd. Bekker, vol. I, p. 341, col. a).
  3. Aristote, De Cœlo, livre I, ch. II (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 368 ; éd. Bekker, vol. I, p. 269, col. a).
  4. Aristote, De Cœlo, livre IV, cap. IV (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 429 ; éd. Bekker, vol. I, p. 311, col. b).