Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


elle était, en outre, exempte de mouvement local, elle serait incapable d’aucun changement ; rien donc, en elle, ne serait en puissance ; elle serait acte pur ; dès lors, exempte de toute matière, elle serait intelligence séparée et non pas corps ; elle ne pourrait loger l’Univers.

Lors qu’en dépit de la Métaphysique et de la Physique du Lycée, les Pères de l’Église auront accrédité l’opinion que l’Univers est entouré par un ciel immobile, l’Empyrée, il se trouvera naturellement des philosophes pour voir, en cette hypothèse, le moyen d’accorder entre elles les diverses parties de la théorie du lieu proposée par Aristote et pour faire de l’Empyrée le lieu du Monde mobile.

Le Stagirite ne pouvait recourir à cette solution ; selon sa Physique, un seul corps demeurait nécessairement immobile, et ce corps était, nous le verrons, le corps central, la terre ; c’est par rapport à ce corps que l’on jugeait du mouvement du Ciel ; aussi entendrons-nous des disciples d’Aristote expliciter la pensée du maître en déclarant que le lieu de l’orbe suprême, c’est la terre ; à la terre, en effet, appartient un des caractères qu’Aristote attribue au lieu, l’immobilité. Alors, on comprendra pourquoi, selon le Stagirite, la rotation du Ciel requiert l’immobilité de la terre ; elle la requiert parce que tout mouvement local requiert un lieu.

Mais il n’est pas temps encore que nous abordions ce qu’Aristote enseigne au sujet de l’immobilité de la terre et que nous le rapprochions de cc qu’il a dit du lieu. Il nous faut, auparavant, étudier la théorie péripatéticienne du grave et du léger.


XII
LE GRAVE ET LE LÉGER

À chaque substance simple correspond, nous l’avons vu, un et un seul mouvement naturel, qui doit être un mouvement simple. Il n’existe, d’ailleurs, que deux sortes de mouvements simples[1], le mouvement de rotation, qu’Aristote nomme mouvement circulaire, et le mouvement de translation, qu’il nomme mouvement rectiligne. Le mouvement circulaire est le mouvement qui con-

  1. Aristote, Physique, livre VIII, ch. VIII [XII] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 358 ; éd. Bekker, vol. I, p. 261, col. b).