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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


nant ce même ensemble vers le haut, c’est la surface qui limite inférieurement la dernière sphère céleste, c’est la concavité de l’orbe lunaire ; « le centre du Monde, en effet, demeure toujours immobile, et la concavité de l’orbe lunaire reste toujours disposée de la même manière » ; c’est à ces termes fixes que nous rapporterons les mouvements des éléments et des mixtes ; les corps graves se mouvront vers le premier et les corps légers vers le second.

Cette exposition appelle quelques remarques, Lorsqu’Aristote y parle du centre du Monde, il n’entend point désigner un simple point, mais un corps central immobile ; l’analyse d’un passage du De Cælo nous montrera, au § XV, que le Stagirite ne concevait la fixité du centre du Monde qu’en incorporant ce point à une masse privée de mouvement. La limite inférieure de l’orbe lunaire semble impropre à servir de lieu à certains corps ; l’orbe lunaire, en effet, n’est point immobile ; le Philosophe lui attribue un mouvement de rotation autour du centre du Monde ; mais la sphère qui termine intérieurement cet orbe se meut de telle sorte quelle coïncide continuellement avec elle-même ; si l’on veut seulement repérer l’ascension des corps légers, la descente des corps graves, elle peut, en dépit, de sa révolution, jouer le même rôle qu’un lieu immobile ; elle deviendrait impropre à ce rôle si l’on voulait considérer 1rs mouvements de rotation dont les éléments et les mixtes pourraient être animés ; en cette circonstance, Aristote ne paraît pas avoir songé à ces mouvements.

Il ne faudrait pas, d’ailleurs, imposer au discours d’Aristote une suite d’une rigoureuse logique ; en voulant, à toutes forces, y mettre cette suite, on en fausserait et torturerait le sens. Bien plutôt, on doit reconnaître que le Stagirite, aux prises avec une question dont la difficulté est extrême, multiplie ses tentatives pour la résoudre ; mais les assauts par lesquels il s’efforce de pénétrer jusqu’à une vérité si jalousement défendue ne portent pas tous du même côté.

Nous l’avons vu donner une définition du lieu ; cette définition il a été bientôt contraint de l’abandonner pour en adopter une seconde dont les conséquences se sont déroulées devant nous ; c’est à la première qu’il revient maintenant, pour ne s’en plus départir au cours des considérations qu’il va nous exposer ; ces considérations m* se comprendraient pas si l’on y primait le mot lieu au second des deux sens qu’il a reçus.

Lorsqu’on dehors d’un corps, il y a d’autres corps qui le ren-