Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


a mouvement, il y a nombre de ce mouvement particulier. Le temps est donc le nombre d’un mouvement continu absolument quelconque, et non pas le nombre d’un certain mouvement particulier. Mais il arrive alors qu’il se produit deux mouvements divers, et le temps sera le nombre de chacun de ces mouvements. Le temps sera-t-il différent pour ces divers mouvements ? Existera-t-il, à la fois, deux temps égaux ou non ?

» Il existera un seul et même temps, [qui s’écoulera, en ces deux mouvements,] d’une manière semblable et simultanée ; et si ces deux temps n’étaient pas simultanés, ils seraient encore de la même espèce. De même, si l’on avait d’une part des chiens, d’autre part des chevaux, et qu’ils fussent sept de part et d’autre, on aurait un même nombre. Ainsi pour des mouvements qui s’accomplissent simultanément, il y a un seul et même temps, que ces mouvements soient ou non également vites ; et cela, lors même que l’un d’eux serait un mouvement local et l’autre une altération ; le temps [défini par ces deux mouvements] est le même, pourvu seulement que le nombre de l’altération soit égal au nombre du mouvement local, et que ces deux mouvements soient simultanés. Par conséquent, les mouvements peuvent être autres et se produire indépendamment l’un de l’autre ; de part et d’autre, le temps est absolument le même, en sorte qu’il existe un seul et même nombre pour des mouvements qui ont des durées égales et qui se produisent simultanément. »

N’importe quel mouvement, donc, peut servir à définir le temps, et quel que soit le mouvement que l’on considère, on aboutira toujours à définir le même temps. Ce n’est pas à dire qu’il soit indifférent de choisir tel mouvement plutôt que tel autre, lorsqu’il s’agit de mesurer le temps.

La mesure, en effet, doit être de même espèce que les objets qu’elle sert à mesurer, mais elle doit aussi, par rapport à ces objets, jouer le rôle de principe (ἀρχοειδής), de telle manière que ceux-ci puissent être regardés comme composés au moyen de celle-là ; c’est un principe essentiel de la Philosophie péripatéticienne. Partant, la mesure du mouvement à laquelle se ramène, nous le savons, la mesure du temps, doit être fournie par un mouvement, mais par un mouvement qui soit le principe des autres mouvements.

Or, Aristote enseigne[1] que le mouvement local précède par nature et détermine tous les autres mouvements, les générations

  1. Aristote, Physique, livre VII, c. VII [X] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 356-357 ; éd. Bekker, vol. I, pp. 260-261).