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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

local[1]. La nature de chacun de ces corps est, en lui, un principe de mouvement. » En un corps simple, la nature simple ne peut produire qu’un mouvement simple ; « à chaque corps simple correspondra donc un mouvement naturel déterminé, μία ἐϰάστου ϰίνησις ἡ ϰατὰ φύσιν τῶν ἁπλῶν ». En ces quelques mots, se trouve formulé l’un des principes essentiels de la Physique péripatéticienne, l’un de ceux qui fourniront, à l’encontre des hypothèses copernicaines, les plus fermes objections.

Or, il existe deux sortes de mouvements simples, le mouvement rectiligne et le mouvement circulaire : il existera donc deux sortes de corps simples, les uns, et ce sont ceux qui nous entourent, dont le mouvement naturel sera rectiligne, les autres dont le mouvement propre sera circulaire.

« Mais le mouvement[2] qui a la suprématie sur les autres doit être le mouvement d’un corps simple dont la nature surpasse celle des autres ; or, d’une part, le mouvement circulaire a la primauté sur le mouvement rectiligne ; d’autre part, il existe des corps simples dont le mouvement rectiligne est le mouvement naturel… Il faut donc que le mouvement de rotation soit le mouvement propre d’un certain corps simple… Il résulte évidemment de là qu’il existe une certaine essence corporelle (τις οὐσία σώματος), différente des substances qui sont autour de nous, supérieure à toutes ces substances et plus divine qu’elles… Quiconque tirera déduction de tout ce que nous venons de dire arrivera à croire qu’outre les corps qui sont ici-bas, autour de nous, il existe un autre corps, distinct de ceux-là, et dont la nature est d’autant plus noble que ce corps diffère plus de ceux qui sont ici. »

Une substance qui, éternellement, se meut d’un mouvement de rotation toujours de même sens « doit, selon la raison, être tenue[3] pour incapable de génération et de corruption ; elle ne peut éprouver ni dilatation ni contraction ; elle n’est sujette à aucune altération ». Toute génération, en effet, toute corruption, transforme une substance en la substance contraire, « et ces substances contraires doivent avoir des mouvements naturels en des sens opposés », tandis que la substance considérée tourne toujours dans le même sens. Toute dilatation, toute concentration est incompatible avec le simple mouvement de rotation. Toute altéra-

  1. Aristote, De Cœlo, livre I, cap. II (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 368 ; éd. Bekker, vol. I, p. 268, col. b).
  2. Aristote, De Cœlo, livre I, cap. II (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 369 ; éd. Bekker, vol. I, p. 269, col. a).
  3. Aristote, De Cœlo, livre I, cap. III (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 370 ; éd. Bekker, vol. I, p. 270, col. a).