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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Le péripatéticien Adraste, dont Théon de Smyrne nous a conservé en partie l’enseignement astronomique, indique vaguement[1] que Pythagore s’était occupé des révolutions lentes que les planètes exécutent dans le sens opposé à la révolution diurne des lixes.

Si ce progrès n’est pas l’œuvre même de Pythagore, il semble, en tous cas, qu’il ait été accompli de son temps et au sein des écoles de la Grande Grèce.

Sans être précisément disciple de Pythagore, Alcméon de Crotone. contemporain du grand philosophe, plus jeune que lui, habitant de la même ville, avait avec lui quelques rapports de doctrine[2]. Or Stobée[3], le Pseudo-Plutarque[4] et le Pseudo-Galien[5] nous apprennent qu’Alcméon et les mathématiciens « faisaient mouvoir les planètes en sens contraire du mouvement des étoiles fixes ». Ces mathématiciens ne sont-ils pas les premiers disciples de Pythagore ?

Tel est le bilan des connaissances astronomiques que nous pouvons, avec quelque vraisemblance, attribuer au fondateur de l’École italique et à ses premiers élèves ; ce bilan est beaucoup moins riche que celui qu’avaient dressé les historiens de la Science, alors qu’ils recevaient sans contrôle les légendes les plus douteuses ; en particulier, il ne permet aucunement de placer Pythagore au nombre des précurseurs de Copernic.

On aurait tort, d’ailleurs, de passer de cet excès à l’excès contraire et de faire fi de l’Astronomie italique.

« En introduisant en Grèce la notion de la sphéricité de la Terre et des mouvements propres du Soleil, de la Lune et des planètes[6], d’Occident en Orient, suivant des cercles obliques à l’équateur céleste, Pythagore et ses premiers disciples ont fait faire un grand pas aux notions astronomiques des Grecs. Cette gloire leur appartient ; on ne pourrait que la compromettre en leur attribuant des inventions et des mérites qui ne leur appartiennent pas. »

  1. Theonis Smyrnæi Platonici Liber de Astronomia cum Sereni fragmento, Textum primus edidit, latine vertit Th.-H Martin ; Parisiis, Cap. XXII, pp. 212-213. “ Théon de Smyrne, philosophe platonicien, Exposition des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon, traduite pour la première fois en Français par J. Dupuis ; Paris, 1892, pp. 244-245.
  2. Th.-H. Martin, Op. laud. p. 108.
  3. Stobæi Eclogæ physicæ, I, 24 ; éd. Meineke, t. I. p. 141.
  4. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum lib. II, cap. XVI, § 2.
  5. Galien (Pseudo-), Œuvres, édit. grecque de Bâle, t. IV, p. 431.
  6. Th.-H. Martin, Op. laud., p. 126.